Instant de vie chez les Bouchard

Instant de vie chez les Bouchard
Claude Mattheau, 2014

lundi 10 novembre 2014

Ebenezer, le misanthrope.

Un chant de Noël  , ce récit que Dickens avait écrit en feuilleton pour rétablir les rentrées d'argent qui se faisaient rares , a été adapté de bien  des façons . 

On a fait de ce texte une histoire destinée aux jeunes enfants. En fait,  l'auteur voulait dénoncer le sort fait aux populations les plus pauvres.


Au cœur du conte, en effet, Dickens a un message à faire passer : une société dont les maîtres ne se préoccupent que de rentabilité sans se soucier du bien-être général est une société mortifère                (Field lane ragged school)

Sans oser comparer  les conditions économiques des Londoniens de 1843 avec celle de mes contemporains (pour mémoire, Bergeronnes a été colonisé dans des conditions encore plus difficiles en 1844) , il faut bien que je signale que cette dénonciation est souvent cachée sous ce qu'il est convenu d'appeler le miracle de Noël, soit cette propension que nous avons à penser que cette fête chrétienne peut momentanément  effacer les pires injustices sociales. 

Mais ce qui m'étonne encore plus au sujet de ce conte, c'est qu'on oublie souvent de souligner le trait le plus caractéristique d'Ebenezer. Sa misanthropie est manifeste et est certes,  parmi les nombreuses actualisations que l'on peut produire à partir d'une analyse de ce texte,  le phénomène  qui a le moins vieilli dans cette oeuvre. Au lieu d'y retenir une leçon d'humanité , sans doute serait-il plus usité d'y explorer un épiphénomène relevant des rapports  sociaux. 


   « La misanthropie apparaît quand on met sans artifice toute sa confiance en quelqu'un parce qu'on considère l'Homme comme un être vrai, solide et fiable. Puis, on découvre un peu plus tard qu'il est mauvais et peu fiable... et quand cela arrive, l'intéressé finit souvent … par haïr tout le monde. »(Platon)

 Au-delà des conventions, des politesses et du partage , gestes éphémères dont est porteuse la période de Noël, il est facile de constater que notre société si elle ne permet guère de s'isoler socialement, est un terreau tout désigné pour développer des comportement haineux.



 Persuadés qu'elles ne peuvent guère fournir une satisfaction chrétienne du corps et de l'âme à la multitude, quelques-uns d'entre nous s'efforcent de réunir une petite somme pour acheter aux pauvres un peu de viande et de bière, avec du charbon pour se chauffer. Nous choisissons cette époque, parce que c'est, de toute l'année, le temps où le besoin se fait le plus vivement sentir, et où l'abondance fait le plus de plaisir. Pour combien vous inscrirai-je ?
- Pour rien ! répondit Scrooge.

 Pour rien! Voilà ce que nous répondons cinquante semaines par année aux reste de l'humanité. Ebenezer, lui, le fait 52 semaines par année.Notre imposture relève de  notre méconnaissance des inégalités sociales ou plus exactement de notre mépris .

Bye, faut que j'aille acheter mille dollars de cadeaux à mes enfants !

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