Instant de vie chez les Bouchard

Instant de vie chez les Bouchard
Claude Mattheau, 2014

dimanche 30 août 2015

Les papas


Avec le temps, on finit par geler des images.  J'ai de l'aréna de Bergeronnes, des souvenirs très précis, peut-être que si j'y remettais les pieds , je serais déçu de voir qu'il est maintenant vide. Vide de ce que je me souviens, parce qu'évidemment les  humains, comme la nature , ont horreur du vide et se dépêche de remplir les trous. La plupart des garages, initialement construits pour y abriter une voiture, sont remplis de stock, du stock dont on pourrait éventuellement avoir besoin ...Même les écureuils ont plus de génie que nous sur ce point. Ils n'engrangent que ce dont ils ont besoin! 

L’aréna de Bergeronnes avait  cette faculté magique de transformer les odeurs. Tout fait  de pierre, de ciment et de stucco , l’humidité aurait pu y être être maîtresse, mais non, il suffisait que le percolateur du petit restaurant de madame Mérilda soit actionné pour qu’ un effluve de café bouilli et trop sucré envahisse le hall d’entrée. Et c’est là, que café en main, les hommes discutaient   âprement , analysaient  finement , les derniers exploits des Noir et Or, du Tricolore, des Vikings, des Pee-wee ou des Bibittes! Quel endroit extraordinaire. Le tournoi de hockey mineur de Bergeronnes a vu bien des papas de toute la région se réunir pour jaser des résultats du club de leur localité. Centre civique , quel beau nom pour un endroit aussi rassembleur.

Cette photo est pleine de papas ! Des papas décédés, de papas retraités , des papas qui n'étaient pas encore papa et aussi des papas qui n'ont jamais été papa , mais qui se sont occupés des flos des autres comme s'ils avaient été les leurs.


Je reconnais : Alfred Anctil, Lévis Ross, Jacques Gagnon, Marcel Lessard, Patrick Gauthier, Marcellin Savard, Welleston Bouchard, Vilmond Desbiens, Roméo Deschênes, Arthur Simard... et vous , qui avez de meilleurs yeux , ou meilleure mémoire , quels papas reconnaissez -vous ?     Barbier ajoute : Rémi Roy, Toussaint Larouche et  Fafard . Richard Gilbert dit: Michel Larouche.

Selon Cécile Tremblay:  Le gardien de but c'est Rémi Roy à sa gauche Mr Patrick Gauthier, à la gauche de Mr Gauthier avec un A Mr Marcel Lessard celui avec une tuque et un A Mr Roland Fafard puis les deux à cravates Mr Welleston Bouchard et Mr Marcellin Savard debout Jacques Gagnon celui avec des lunettes Vilmond Desbiens le troisième avec un A Mr Lévis Ross. Dernière rangée à gauche celui sans casque Mr Alfred Anctil.

vendredi 21 août 2015

Le pays de Lévesque.

1980: s'opposent l'envie de faire et
l'envie de garder ses acquis.
Est-ce que j'ai besoin de vous présenter René Lévesque ? Mon père l'adorait. Je vous livre ici un extrait de mes mémoires .


"C’est pour contrer ce silence que mon père s’est abonné au journal Le Jour. René Lévesque va y écrire des chroniques, Ovila n’est pas très instruit , mais il sait que le Québec change et il ne veut rien manquer. Surtout, il veut comprendre. Quand il s’assied après souper dans sa chaise de cuir orangé, qu’il s’allume une cigarette et se plonge dans les pensées de René, je voudrais interrompre sa lecture et lui confier mon désarroi. Je me demande si mon père comprendrait qu’à onze ans déjà, je puisse m’inquiéter de mon avenir. Au lieu de cela, j’observe la fumée  de sa du Maurier qui décrit des circonvolutions avant de se perdre sous l’abat-jour jauni du salon. Si le Québec change, est ce que je ne pourrais pas moi aussi changer avec lui ? René est  très fort : mon père laisse sa cigarette griller, il est ailleurs, en pleine révolution et il essaie de comprendre; déjà je savais que génétiquement parlant, ma curiosité intellectuelle venait de mon père. Dans sa réflexion, il partage sans le savoir, mes inquiétudes, sauf que lui, il a déjà sept  enfants à charge, trois qui terminent leurs études, et que ses pensées  comme la fumée de sa cigarette sont fugitives car il ne peut se payer le luxe d’intellectualiser la vie. Il a les deux pieds dedans, la révolution. Ses enfants seront plus instruits que lui, mieux éduqués, plus ouverts au monde, mais seront-ils pour autant plus heureux ? "

Mon père croyait à un pays. Pas à un pays confortable  qui se fait sans heurts et sans souffrances. Un pays où on met l'épaule à la roue, un pays sans filet , pas le pays waltdisneyiser  que nous présente depuis deux décennies les leaders souverainistes ... C'est pourquoi  j'écris parfois des lettres au quotidien Le Soleil...J'écris avant que le papier disparaisse, avant que la pensée ne fout le camp dans un tweet de 100 mots et que les spotted et les sondages  ne tiennent lieu de programme politique. J'écris avant qu'on oublie que René Lévesque était un démocrate avant d'être un séparatiste à tout prix . De voir Landry tourner aurour de PKP comme un corbeau autour d'un poteau, me désole.  

«INDOCTI DISCANT ET AMENT MEMINISSE PERITI»Que les ignares s'instruisent et que ceux qui savent, se souviennent 
20 aout 2015 , Le Soleil.

lundi 17 août 2015

Pipounapi n'est pas une mascotte

Comme Champlain n'est pas un  pont , Pipounapi
n'est pas une baleine en plastique.
Le gentilé  Bon-désirois n'existe pas. Les habitants de ce secteur sont des Bergeronnais. Ils auraient pu être des Pipounapiens ! Pourquoi pas ? Bergeronnes est un lieu dont le nom est hérité de la tradition européenne .Il n'a pas à ce que je sache remplacé une autre désignation. Or, Bon-Désir est une appellation dont l'utilisation remonte à l'arrivée des Jésuites dans la région.

  Pipounapi désignerait ce lieu-dit avec plus de justesse. Pipounapi fait appel à une caractéristique géographique des lieux. Alors que Bon-Désir serait plutôt lié à un mythe.  

Sans le Notre-Dame qu'y associa le père Laure en 1727, que veut donc dire Bon-Désir  ?

Les cueilleurs- chasseurs trouvaient à cet endroit un lieu pour rejoindre le fleuve facilement , l'eau libre l'hiver de l'anse Pipounapitch y est pour quelque chose sans doute ... ils pouvaient  chasser le loup-marin , la baleine et le béluga selon leur bon désir . Explication plausible ?

Je vous invite à lire ce texte de Paul-Émile Jean, historien et premier gérant de la ville de Hauterive, au sujet de cet endroit.

À trois milles à l'est de Bergeronnes, il y a une agglomération appelée Bon-Désir ou en Montagnais, Pipounapi. Ce lieu est favorable à la chasse au loup-marin. On rapporte que les Basques, avant Jacques Cartier , y faisaient la chasse . D'ailleurs, on retrouva des fourneaux  qui servaient à extraire l'huile.


Ce texte date du milieu des années 80.  Vers 1944 , l'abbé  Victor Tremblay à partir des notes de l'abbé Bélanger,  expliquait lui aussi le nom de Bon-Désir.

Le nom de Bon-Désir désigne: un hameau , une anse, une petite rivière et une pointe (...) Parce que " l'anse de Bon-Désir ne gèle jamais et que l'on peut en tout temps aller au large  les Montagnais l'appelaient Pipounapitch".

Sur le monument, érigé lors des fêtes du centenaire de Bergeronnes, il est possible de lire sur la plaque de granit noir: :  

Près d'ici est l'anse de Bon-Désir (Pipounapi en langue indienne) où les Basques de temps immémorial puis les français  et les indiens ont fait la chasse aux loups marins . Le père Laure y a construisit une chapelle  en 1723. 

Ces explications ne me semblent  pas très claires, ça sent le clergé à plein nez. Peut-on vraiment penser que Pipounapi signifiait Bon-Désir ? Un bon désir est un désir conforme à ce que Dieu veut . Je ne crois pas que les amérindiens connaissaient cette notion propre au christianisme.

 Le texte du monument laisse penser que les Amérindiens ne fréquentèrent ce lieu qu'après les Basques et les Français. Les données scientifiques collectées récemment lors des recherches archéologiques permettent d'affirmer que les "indiens" savaient chasser le phoque , la baleine et le gibard , et ce  bien avant l'occupation européenne de ces lieux. Selon Michel Plourde, que je cite ici très brièvement, l'indien n'avait pas d'outil que le seul tomahawk trop présent à notre esprit, il utilisait la lance, la massue, l'arc, le collet et le piège, pour ne nommer que ceux-là. 

L'analyse des éléments identifiables permet de conclure à une alimentation, ou du moins une exploitation, nettement axée sur le phoque. (...)
Or, nous avons démontré que la chasse au phoque était bel et bien pratiquée dès la période archaïque, au Sylvicole moyen et tout au long du Sylvicole supérieur et que plusieurs emplacements ont été revisités génération après génération (Plourde2003).

Selon moi, le nom de Bon-Désir n'est apparu en fait , qu'au moment de l'occupation religieuse des lieux.
Le véritable nom des lieux devrait être Pipounapi. Un nom porteur de sens. Mais comme on ne change pas l'histoire...On pourrait  toujours forger une beau conte alliant les deux cultures !

PRIVILÈGE EXCLUSIF POUR LA PÊCHE À LA BALEINE (1735) 

Les Basques faisaient la pêche à la baleine dans le golfe
et le fleuve Saint-Laurent peut-être cent ans avant la fondation
de Québec. Ils continuèrent ces exploitations de pêches­
sans permis plusieurs années après l’établissement de
la Nouvelle France. A la fin, le gouvernement du Roi se
décida à réglementer les pêches du Saint-Laurent et obligea
les pêcheurs basques à prendre des permis.

Les premiers pêcheurs de baleine dont on connaît les
noms sont les sieurs Detcheverrv et Simon Darragory, (de
Saint-Jean de Luz). Ils établirent leur pêche, à Bon Désir,
non loin de Tadoussac. Ils faisaient rapport au ministre, en
octobre 1735, qu'ils avaient capturé neuf gibarts, un cachalot
et une petite baleine. Leur pêche avait rapporté 145 quintaux
d huile. Ils espéraient faire mieux l’année suivante. En
1736, le roi leur accordait le privilège exclusif pour quatre ans.

Ce privilège les mit en lutte avec les fermiers du Domaine
d' Occident qui prétendaient avoir droit à la moitié des
profits. Le ministre donna tort aux fermiers. Seulement, il
défendit  aux sieurs Detcheverry et Darragory de faire la
traite. En 1738. les pêcheurs de baleine transportèrent leur
principal établissement aux Sept-Iles, Les frères Darragorv
qui ,avaient succédé àa la société Detcheverry et Darragorv
abandonnèrent la pêche à la baleine en 1744. Cette entreprise
ne leur avait pas été profitable.
* (Noël Fauteux,  L'industrie au Canada, vol. II, p. 541).




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  L’exploitation du phoque dans le secteur de l’embouchure du Saguenay (Québec, Canada) par les Iroquoiens au Sylvicole supérieur  -1000-1534 de notre ère-, Michel Plourde , Université de Montréal, 2011.