Instant de vie chez les Bouchard

Instant de vie chez les Bouchard
Claude Mattheau, 2014

mardi 27 décembre 2016

Le Jour de l'An-delà .

Quand je suis mort , j’ai vécu des choses assez extraordinaires, des choses  que les mots terrestres ne peuvent expliquer.  Comme beaucoup de morts ,  je suis monté vers le ciel , j’ai vu d’abord la rivière  Bergeronnes en son méandre juste avant le pont du Bassin, les feuillus de  la Côte-à-Bouleaux qui venaient de quitter leurs bourgeons ,l'école Bon-Désir,  les buttes vertes , la rue principale déserte et les arbres gris du cimetière. Puis, j’ai tourné la tête pour voir la maison familiale . Elle était toute blanche et lumineuse. Dehors, juste devant les marches de béton , ma mère jouait avec un enfant encapuchonné, je me suis reconnu juste à ma démarche. Mon père stationnait sa camionnette  et montait les escaliers  à la course. Je ne l’avais jamais vu faire cela. Plus je montais, plus je comprenais, le sens de l’éternité.  Ce n’est pas du tout ce qu'on m'avait expliqué. 

J'ai volé en rase motte jusque chez maman et papa

L’éternité après la mort, c’est la faculté  de remonter le temps, notre temps.  Le mien se situe entre le 22 juillet 1946 et le 30 juin 2012 . Voilà ce qu’est mon Éternité. Ce qui sort de l’ordinaire, c’est que je revois  tout avec les yeux de la lucidité.  J’ai fait fouiller mon petit beau-frère  dans le dictionnaire :   «  Faculté de comprendre les choses avec clarté et justesse. »  C’est lui qui écrit présentement.  Ça, c’est un autre pouvoir qu’on détient après la mort, si tu as partagé ta passion avec un mortel , tu peux te servir de ses capacités pour intervenir dans le réel .


Alors, comme j’ai déjà amené Robert à la chasse à l’outarde, à l’ours et à la pêche , il me renvoie l’ascenseur. Il détestait le bois et moi, je détestais parler en public, alors, nous fréquentions l'un et l'autre des mondes dont on avait pas l'habitude...    Par contre,  il aimait bien conduire le camion brun, surtout quand on mettait les lock et que tout devenait possible, comme grimper une butte de terre  ou traverser un chemin inondé par des castors ambitieux.  


Alors voilà, je voyage entre 1946 et 2012. Je n’ai pas le droit d’aller au-delà. Parfois,  en revoyant certains passages de ma vie, je ne suis pas toujours animé par la fierté. C’est normal, au début de la mort  , on a tendance à aller vers nos souffrances , ce sont des actes manqués… Alors qu’on voudrait tant refaire des bouts de notre vie , on ne peut rien y changer. J’ai donc assisté impuissant à une scène  où je me chicanais  avec ma compagne. Et tout de suite après. alors que j’avais encore des larmes chaudes sur mes joues,  mon Éternité m’a entraîné  à l’église de Bergeronnes , juste au moment où  je portais au doigt de ma belle , son anneau !  Toutes ces superpositions temporelles sont bouleversantes. C’est le lot de l’éternité. 


Au début, je ne comprenais pas pourquoi il manquait des gens dans mon éternité. Le dimanche , 13  mai  1972, je suis à la pêche. mon petit beau-frère  est assied à la proue et moi,  je suis le pilote . Au centre le banc est vide. Pourtant , il devrait y avoir quelqu'un  puisque une veste de sauvetage est là, étendue sur le banc, et dans un carton de Pepsi, il y a deux bananes et une bouteille de bière. (Au moment même où j’écris ces lignes pour mon beau-frère, apparaît un message Facebook de Fernand sur le coin droit de mon écran d’ordinateur,
J'ai commencé première année Bantam et à la deuxième je gardais les buts pour le midget aussi, qui n'avait qu'un gardien. -

Je capote un peu,- et je demande à Roger de ne pas trop en faire. )

Mon chum qui est absent sur la chaloupe est lui aussi décédé, nous nous rencontrerons quand nos Éternités nous  amèneront au même endroit. Lui et moi avons toute l’éternité pour nous  revoir !   Si je repense à ce jour de mai 1972, et que je me vois seul sur la chaloupe, je saurai que mon petit beau-frère est  décédé.

Autre chose, il prend souvent aux mortels l’envie de parler aux morts .Pour toutes sortes de raisons : s’excuser, prier, demander de l’aide ou du courage ou juste pour le plaisir . Dans l’immédiat, dans votre réel, ça ne sert à rien. Je vais vous l’expliquer dans mes mots, parce que si je laisse faire mon petit beau-frère , il va philosopher et vous risquez de décrocher ! 



Penser aux morts,  c’est comme filer une maison pour  l’électricité. Tous les fils sont passés ,  les boîtes octogonales et carrées sont là , les fils dépassent dans les trous du gyprok (j’ai jamais su l’écrire)  ,c'est  pareil au sol pour le chauffage, et la boîte électrique  est prête… Quand vous parlez aux morts, c’est la même affaire , ce sont des fils installés  pour plus tard. Au moment de votre décès toutes vos pensées vont alimenter vos souvenirs, c’est pour ça que les premières personnes que j’ai vues,  ce sont mes parents devant la maison chez-nous : tous les trois on a pensé au même "moment"  en même temps. Quand le courant passe,il passe ! C'est sûr, c'est sûr! 

 
En ce qui concerne  mes enfants, il arrive un drôle de phénomène. Quand j’étais vivant, je pouvais lire dans leur cœur, peut-être pas autant que leur mère qui les a portés pendant 9 mois , mais quand même , quand quelque chose n’allait pas et malgré les malentendus inévitables, les conflits générationnels ou les bêtises des uns et des autres, je pouvais comprendre que quelque chose n’allait pas. Là, dans mon Éternité, si je pense très fort à un moment où j’ai senti la tristesse de ma fille , par exemple, je vois le  pourquoi de ses larmes. C’est comme comprendre à la fin d’une bonne série ce qui s’est passé au début ! 



Voilà, c’est à peu près tout ce que j’ai compris depuis que je suis ici, j'ai pas encore 5 ans d'éternité, je suis en train de faire mes classes ;)   L’éternité, mon Éternité, c’est très vivable, et ce  même si je suis mort. Et n’ayez crainte, le jour où toi mon amour, toi, mon fils ou toi, ma fille , serez absent d’un souvenir, je recevrai une décharge (une autre ! ) et j’irai vous accueillir dans  un souvenir commun.

Photo :famille Alphonse Tremblay ( Simon) (cliquez pour pleine grandeur :SUPERBE! )

Prenez votre temps, je ne m'ennuie pas , je suis à la recherche de souvenirs communs avec mon frère décédée trop jeune , mes parents , et beaucoup d'amis...Tous mes jours sur terre , ça en fait du fil, des caps de bière  , des truites, des tours sur le fleuve, des desserts , des cloches d'école, des tempêtes, des tours de ski-doo, des balles , des calls, des cadeaux, des becs, des caresses,  des fêtes, des messes,un coat rouge, des tunes d'Elvis, des orchestres , des mal de dos , des rires saccadés , des documentaires sur les animaux,des films de cow-boys, des tourtières, des lunchs, des cigarettes, des Fax , des téléphones, des voyages sans chier, des rénovations, des pets sauces, des Big-Mac réchauffés,des sommes ... Pas d'ennuyance.    

Merci pour le portable, le  petit beau-frère.(Une autre affaire à découvrir:j'écris en lettres  bleues ? ? )  

Oh! I'm all shook up , Elvis is here ! 

 Bonne Éternité, le beau-frère.

 Bonne année , mon petit beau-frère .


lundi 26 décembre 2016

Le conte est à terre (partie 2 du conte bergeronnais )

En tête d'une lettre  provenant  du Camp Euclide Lessard 














Le lendemain, dès le  réveil , le grand Savard ne cessa de talonner Nazaire pour connaître la fin de l'histoire. Nazaire qui s'apprêtait à se raser, cassa la mince glace qui s'était tendue dans la bassine et regarda le jeune géant comme s'il était un enfant à la veille de Noël .


-Je vais tout te dire en temps et lieu. Là, on a de l'ouvrage, pis un conte ça se conte à la noirceur venue.

- Si c'est pas un conte, tu peux me le conter tout suite, répliqua le colosse aux airs d'enfant.

 Il faut dire qu'à 16 ans , c'était un homme  fiable , capable comme deux et essentiel pour les travaux devenus trop durs pour les bûcherons qui vieillissaient ou qui s'étaient fait mal. Le boss Euclide était un gérant habile, l'homme  avait pour son dire qu'on se débarrasse pas d'un bon forgeron parce qu'il a de la misère à déplacer du fer, on lui prête des bras en attendant que les siens reviennent. Tout le monde voulait travailler pour le camp d'Euclide. Mais fallait être vaillant pour y avoir sa place.


La journée passa en travaux durs. Le froid de ce 24 décembre combiné à l'épaisseur de neige qui s'était jeté le long de la rivière, donnèrent à Lauréat et Ovila , assez d'ouvrage pour l'avant-midi. Le grand Savard accompagna Nazaire pour l'aider à clairer des billots qui traînaient le long des chemins , des billes de bois  qui une fois recouvert par la prochaine neige  deviendraient des dangers invisibles pour les hommes de chevaux. Ensuite, Nazaire laissa le grand Savard fendre du bois. Il entra dans le camp pour récupérer- suivre une jeunesse ,ce n'était pas évident-  et il  ne tarda pas à planter des clous devant le feu. Quand Ovila et Lauréat le rejoignirent pour le dîner , ils le trouvèrent  endormi sur une chaise droite , affalée par devant sur son ventre qu'il trouvait trop gros.

Le repas fut rapide. Les hommes firent le ménage du camp. Et même s'ils étaient bien loin de l'église de leur village ,ils entendaient bien se faire un petit réveillon. Euclide avait laissé à Nazaire ,le plus vieux et le plus raisonnable des quatre, le soin de distribuer les 10 onces d'alcool , cadeau du patron.


À 3 h 30 le brun venait juste d'atterrir assez bas pour qu'on ne distingue plus la terre du ciel ... une nuit naissante.


- Vas tu jeter le conte à terre, Nazaire  ?

-Oui,Ovila, l 'heure est venue.


Le grand Savard qui avait travaillé à s'arracher le corps toute la journée, histoire d'enterrer  son impatience,  tourna la seule chaise du camp de bord et s'écrasa sur le dossier , les jambes appuyées par terre prêt à bondir si le diable ou un loup-garou venait à se présenter.

Lauréat versa à ses compagnons une petite shot de gin . Dans une tasse en fer blanc. En fer blanc.


 " La mère avait gagné. Elle retourna voir le sorcier qui devait donner son billet à un trappeur. Le Montagnais écouta les doléances de ma mère. Après tout ,elle avait changé d'idée et ce n'était pas au sage qui l'avait aidé selon son coeur de retrouver le trappeur. Lequel ressoudrait  probablement seulement au printemps, selon le Sorcier.


Ma mère était ben découragée. Elle voyait maintenant à quoi aurait pu servir le gain. Elle raconta au sauvage toute la misère qu'il connaissait déjà: les veuves de bûcherons sans secours, les enfants sans école, les malades sans docteur, le village sans curé. La réalité de 1889. Une misère commune.


Voyant son désarroi, le sorcier se leva , fouilla dans une canisse dans laquelle il gardait du gros  sel ,et il en sortit le billet .


-Ta mère devait être contente ? Comment ça se fait que vous êtes pas riches?
Lauréat versa une autre shot au grand Savard pour l'engourdir un peu.


-C'est là que le sorcier a ouvert sa truie pis a tiré le billet dans le feu .


-Y'est fou. 5000 piasses! 


-Tais toi, Savard, c'est pas fini ! Écoute jusqu'à fin !  lui lança Ovila avec le ton dur hérité des Barnabé.

" Ma mère était épouvantée. Le sage lui expliqua simplement que le feu serait bénéfique pour son sommeil . Que sa vie serait meilleure sans tout cet argent . 

Que sa guérison était complète. Il lui dit aussi en sa langue :
"Si l'argent était le sel de la vie, il pousserait dans la forêt avec les fougères."
Puis Nazaire annonça que le conte était à terre."


-Comment  le conte est à terre ? Ça se peut pas Tabarsac ! Ça  peut pas mal finir de même. On jette pas 5000 $  dans le feu . Ce mangeur de loup marin était  fou! 


  Le gros Savard était en maudit.Il n'avait presque pas dormi croyant que le diable interviendrait dans l'histoire ou que Dieu serait de la partie. Mais non, un Manitou servait une leçon,  et c'était fini !


Nazaire se rendit dans la cuisine pour préparer le repas du soir qui serait léger , parce que les hommes avaient bu.


Ovila, d'un signe de la tête discret appela les deux autres à le suivre pour aller soigner les chevaux.Ce qu'il faisait seul, habituellement.


Archives nationales du Canada 
**

Lauréat et le grand Savard  savaient enfin la fin de l'histoire. Ovila leur avait expliqué que le gain de 5000 dollars avait coïncidé avec l'annonce de la construction du presbytère. Ce qui permit au village d'accueillir le premier curé, un certain  Arthur Guay . Adon ou vérité vraie? Si Nazaire n'en parlait pas, c'est que sa mère lui avait demandé d'inventer cette histoire, sinon comment une veuve avec onze enfants aurait pu expliquer qu'elle avait donné tout cet argent à la Fabrique pour être enfin délivrée d'un mauvais sort qui la tenait prisonnière de nuits blanches ?

***

Le soir venu , les hommes se firent lire par le Grand Savard qui était le plus instruit de tous avec sa sixième année, la parabole du gérant habile . *(Luc , 16 1-13.




 


vendredi 23 décembre 2016

Conte de Noël bergeronnais : Dieu ou diable

- À ma fille Coralie qui veut expliquer l'inexplicable.

Je tiens cette histoire véridique de mon père.  


Ils étaient quatre  hommes  assis  à la cafétéria du camp  huit de la Consolited Bathurst au nord de la Chute du Diable. Ce groupe de quatre hommes,  dont mon père faisait partie, avait été choisi pour leur honnêteté afin de veiller sur les campements et les effets d'Euclide Lessard. 


Chaque jobber faisait de même. C’était une façon  de s’assurer  qu’au retour des bûcherons, tout serait en ordre. Les chevaux allaient recevoir l’avoine nécessaire,  les entrées de chaque camp seraient dégagées et les chemins seraient  entretenus autant qu’il était possible de le faire. 


Mon père parla le premier. « Il est arrivé à mon beau-frère une histoire invraisemblable. » 

Le silence se fit, les hommes rabattirent les cartes à jouer qui leur tenaient lieu de loisir et tendirent l’oreille. 


«  Mon beau-frère Maurice était  un sacreur indomptable. Sa mère, Rosa, une femme pieuse qui faisait partie des Dames de Sainte-Anne et qui marrainait les Filles de Marie, et dont la prière avait le poids de ses dévotions, avait eu beau  user  son chapelet, rien n’avait changé.  Un jour Maurice a crevé un pneu, il était en forêt, il faisait froid et son camion était chargé de pitounes . Une situation pour deux gars pis y'était tout seul...


 Incapable de détaroder les bolts de sa roue, il sacrait comme un damné, invoquant des noms que même un curé aurait été surpris d’entendre !    

Photo Coll.Paul-Émile Lambert ,Forestville

Tout à coup, il reçoit une claque en pleine face. Il a beau regarder tout le tour de lui, il ne voit rien, y' est seul comme un nombril sur le ventre d'un bébé.
Après cette affaire-là , Maurice n’a plus jamais sacré. »  


-C’était qui ? Il l’a tu su ? interrogea inquiet le grand Savard.



-Jamais il l'a su.  Sa mère disait que c’était Dieu. Son père, Rosario, disait que c’était le Diable. Il disait ça parce que le diable aimait lutter contre Dieu, mais il n’aimait pas qu’on Lui manque respect.

-Ça se peut pas ! 


- Crée ce que tu veux Lauréat, moi je fais juste rapporter  l’histoire.


- Moi, les jeunesses,  je penserais que c’est vrai, le diable va jamais se présenter comme on pense,  sinon, on le verrait venir. Nazaire, le plus vieux,  venait de parler. 


Maintenant que la conversation avait fait sa place autour du fanal, on savait que les cartes ne serviraient plus à rien pour ce soir-là. Le grand Savard ramassa la brassée et se leva pour ranger le paquet sur la petite tablette à coté de la porte de la cuisine. Il hésita pourtant à faire les trois pas qui le séparaient de sa destination.  Les ombres sur le mur n’avaient cesse de le regarder. La peur s’était invitée dans la place.

Nazaire en profita pour prendre la parole. 


« Vous êtes pas sans savoir que  le curé Labelle avait parti une loterie vers 1884 ? La Loterie de la colonisation, les bénéfices étaient versés à l’oeuvre de colonisation des Pays d’en haut... Le gros-lot était de cinq mille piasses. Une petite fortune dans ces années-là où on pouvait acheter une terre pour 350.00. avec instruments aratoires et  bétail dessus. 


 Ma mère qui était à cette époque  une jeune  veuve de 35 ans , avait acheté un billet  par l’entremise de sa sœur qui restait dans le comté d’Argenteuil. Et ça, même si ma mère savait que l’Église était de contre les jeux de hasard. Mais comme le gros  curé de Saint-Jérôme avait dû se battre pour vendre une loterie qui viendrait l’aider à développer son Nord, et qu’il avait gagné sa bataille, elle se disait que le péché n’était peut-être pas si grave qu’on voulait le laisser croire.


Reste que la mère avait le péché sur la conscience. Pis à mesure que la journée du tirage approchait, sa conscience se faisait de plus en plus lourde. Tellement, qu’elle en dormait plus la nuit. C’était juste un billet, et plein d’autres canayens en avait acheté un itou. Mais ce qui la dérangeait le plus, c’est qu’elle avait peur de gagner .



S'il fallait… C’eut été la honte.  Qu’un colon du Curé Labelle gagne,  c’était acceptable, même pardonnable.  Mais qu’un chrétienne qui habitait à mille  lieux rafle le magot, c’était pour elle, inconcevable. C’était plus que péché…c’tait sacrilège.

Ben bout de ciarge a gagné !  » 


-Comment ça qu’on l’a jamais su ! Toute se sait dans le village, pis maudit…


-Lauréat, t’es donc ben Saint-Thomas. 


-Ben, je ne comprends pas, une riche dans le village, on l’aurait su …On s’en serait aperçu ! Hé! Bergeronnes, c’est grand comme ma gueule.


- Pas si grand que ça, mon Lauréat! de dire Ovila pour l’étriver.


Nazaire reprend .

-La vérité, c’est qu’elle a gagné pis pas. Le Bon Dieu,  ou ben le diable, cherchez donc,  s’en est mêlé! 


Le grand Savard est soufflé. Il comprend plus rien.

-Tabarsac !  Elle a tu  reçu une claque dans la face comme le beau-frère à Vila ? Une claque du diable. 


-C’est plus compliqué que ça, les ptit gars, reprit Nazaire. 


-Tu gagnes ou tu gagnes pas, y’a pas de billet à moitié gagnant !  s’exclama  le Grand Savard un peu désarçonné. 

Laissez-y conter son histoire , c’est lui qui l’a connait. Pis après, on jugera si c’est vraie ou ben si c’est un conte.


Nazaire encouragé par l’intervention d’Ovila, reprit la parole. 


Deux jours avant le tirage, ma mère avait dû se rendre  sur la réserve indienne d’Essipiunnuat, le voyage était dur, mais la mère voulait absolument rencontrer une sage femme pour savoir comment utiliser l’huile de castor après que le bébé soit né.  Il fallait en mettre à grandeur du corps du bébé pour combattre les maladies.  Elle voulait savoir itou, comment faire pousser les femmes.  


En tout cas, toujours est-il  que la mère a rencontré un sage à qui elle a raconté ses mauvais rêves. Ses cauchemars par rapport à la loterie. Elle ne dormait plus depuis qu’elle savait qu’elle pouvait gagner.  C’était contre sa religion. Il fut conclu entre le sorcier montagnais et ma mère que le billet serait remis entre les mains d’un mécréant, un trappeur mi-indien, mi-blanc. Lui, il ne rêverait pas de travers. 


Le billet était gagnant. Ma  mère avait reçu la nouvelle par la mail. Sa sœur  qui avait acheté le billet, lui a envoyé une lettre avec la découpure du journal  Le Nord. Elle avait le bon numéro.   »


-Maudit Saint-Sufruit!  5,000 piasses!  Ta mère est-y retournée chercher son billet … Je sais même pas compter jusque-là, moé ! 5,000 piasses. Lauréat était obnubilé par le montant. 


Le grand Savard et Ovila attendaient la suite, les yeux ben ronds… Nazaire s’est levé, et comme il était le plus vieux, et que son droit d’aînesse, en faisait, le patron des trois autres pendant les Fêtes, il dit :" Demain, faut regarder aux chemins, pis y faut se clairer une descente à la rivière pour aller chercher de l’eau, allons nous coucher. " 


-Tabarsac! s’exclama le grand Savard qui tenait pu sur sa chaise, tu peux pas nous  faire ça ? 


Nazaire jeta  un regard dans le châssis étroit du campe et en guise de réponse, il fit ravaler la flamme au fanal suspendu au-dessus de la table. 


-Demain. Net, fret,  sec.  Demain,  on mettra le conte à terre! lâcha Ovila, le sourire en coin.

Les gars déjà se déplaçaient à la lueur de la lune, vers les beds.
Dormiraient-ils ?

(à suivre)  lire la suite

mardi 11 octobre 2016

Premiers pas en poésie

Madame Micheline Boucher-Sirois est l'une des grandes gagnantes du Prix national de poésie pour les aînés et remporte la bourse de 500 $ associée au deuxième prix.  Madame Michèle Constantineau de Montréal est la grande gagnante  et remporte la bourse de 1 000 $ .

Le jury était composé de madame Christiane Dupont-Champagne, poète, de monsieur André Barette, poète, et de monsieur Gaston Bellemare président du Festival international de la poésie.  Huit autres finalistes méritent une bourse de 100 $. 


Quand on a lu son oeuvre  lors du récital de poésie tenu au Foyer de la salle J.A. Thompson, Micheline s'est dite tout étonnée de réentendre ses mots et de les comprendre autrement!  


Voilà qui donne tout à fait raison au fondateur de cet événement: "On a cherché souvent à nous  faire comprendre la poésie avec notre seule  intelligence , alors qu'on aurait dû nous aider à la ressentir." -Gaston Bellemare, fondateur du Festival international de la poésie de Trois-Rivières. 


Micheline Boucher écrit depuis longtemps. Elle écrivait pour elle. Juste pour elle et parfois pour quelques amies.  La poésie l’a prise dès ses études à l’École normale. Une enseignante l’encourageait  à écrire. Mais voilà que la vie a pris le dessus : le travail, les amours, les enfants... Mais cela ne l’empêche pas vraiment d’écrire. Elle accumule des images , des idées ,des mots … tout cela pris en gélatine dans sa tête de pioche et puis la débâcle vint au  printemps dernier alors qu’elle remporta le prix littéraire Rachel-Saint-Louis remis au Festi-Livre de  Bergeronnes.


Reconnue  par ses pairs au Festival international de poésie de Trois-Rivières, elle y  remporte le  Prix national  de poésie pour les aînés ! Ça fait beaucoup en un an pour qui n’écrivait que pour ses tiroirs et quelques amies ! 


Mais quels sont les mots qui portent Micheline ? Je vous en dirai quelques-uns,  moi qui ai eu la chance de fouiller  ses tiroirs…  Elle parle de nuit blanche :  de nuit qui font la farandole !  Elle écrit  ses peurs, ses joies… Le travail devient sous sa plume  un esclavage choisi ; la plage,  un tapis; la nuit,  un dur combat; sa mémoire, un  tiroir … 

Elle n'hésite pas à prêter vie à la nature (antropomorphisme) et use de la répétition pour que s'inscrive dans ses créations un fil conducteur; on sent chez elle un devoir d'accompagnement  face à son lecteur. Les rimes sont simples et varient souvent : croisées parfois, mais aussi suivies,  ce qui inscrit un rythme plus lent à la lecture. Ce qui en somme,  dans le poème lauréat intitulée Grisaille, force à la lassitude.  


Micheline parle de la peur avec les mots du fleuve, et d’espoir avec les mots des femmes de son âge. Elle espère créer un Cercle littéraire, publier ses poèmes, participer à d’autres  festivals de poésie …
 

Elle avait peur du jugement des autres. Je lui laisse à lire pour songer à ses labours nocturnes, ces vers de Gaston Miron


 J’avance en poésie comme un cheval de trait/

tel celui-là de jadis dans les labours de fond/ 

qui avait l’oreille dressée à se saisir réel /

les frais matins d’été  dans les mondes brumeux


Poème 

Grisaille


Le ciel s'est habillé de gris ce matin
D'un voile de brume éthérée
Il pleut aussi, une pluie fine,   pleine de timidité
Parfois, ouvrant son manteau
Il laisse percer un éclat de soleil : oh !  il  va faire beau
Mais il le referme aussitôt


Le ciel s'est habillé de gris comme moi, ce matin
Un temps plombé et morne, comme un chagrin
Les nuages se renfrognent
Se brisent, se détachent, incertains
Mais le lourd  ciel  d'automne
Se montre inhumain


Le ciel s'est habillé de gris, ce matin
Un ciel encombré de pluie et de crachin
La brume s'est levée, enveloppant les champs voisins
Et sur tout le chemin on n'y voyait plus rien
Un paysage éteint
Le ciel s'est habillé de gris ce matin
Comme une peau de chagrin



MimiB.Sirois

lundi 3 octobre 2016

Né pour soulager.


Photo Bernard Lefebvre (c)
J’ai  marché longtemps sur la plage, « il se cherchait » comme le disait  souvent ma mère à mon sujet. C'était avant qu’elle ne soit atteinte d’aphasie.

 Le littoral était en ces cas de crise existentielle,  mon seul  refuge, mon jardin secret. Ici, le vent et les crans m’écoutent parler. Puis il y a mes pas qui s’accrochent dans le sable, le bruit des vagues qui dominent le cri des oiseaux, le bleu qui regarde le noir de mon cœur…  Cette grève,  où je pouvais jour après jour oublier mon cabinet de dentiste : l’odeur acide des anesthésiques, les pleurs des enfants  stomatophobes, les jérémiades des clients qui avaient des douleurs fantômes et, oh!  calamité !  les gens au prise avec  la névralgie du trijumeau et qui croyaient souffrir d’une grave carie! Cette grève-là  me faisait oublier cette réalité parfois assommante, et aussi elle me redonnait le courage de continuer.

Avocat de la défense:  

"Non pas qu’il ait de toute sa vie détesté sa profession, mais la maladie récente de sa mère l’avait bouleversé.  Il partageait l’avis de Camus :" La dignité du travail n’existe que dans un travail accepté."  Et Dieu sait qu’il adorait recevoir les gens, apaiser leurs craintes  et soigner leurs maux. C’était ce qu’il faisait de mieux. Une mission en somme. Au regard de ces considérations,  des circonstances atténuantes s’imposent et doivent être prise en considération."


 Un jour, mon père , m’avait expliqué qu’il n’y avait dans la vie qu’une seule profession qu’il fallait fuir : prêtre. Parce que disait-il,  ces hommes se privent de leur liberté  pour faire le bien, et qu’une fois cela fait, ils ne peuvent comprendre ce qu’est vraiment le bien.

Avocat de la défense :

"Ce à quoi Roger acquiesçait.  À 12 ans peut-on faire autrement ?  Toutefois,  pendant ses études au collège, il comprit enfin que  son père,  en savait autant que Camus sur la question sans avoir jamais mis le nez dans aucun de ses livres. Et guidé par ces paroles  sages, Roger choisit de ne jamais travailler contre son gré. Il y eut bien deux ou trois erreurs de parcours, de ces métiers de passages que les comédiens sans rôles  réunissent  sous l’adjectif  « alimentaire ». Mais ceux-ci furent vite oubliés dans le tourbillon des années. Il devint vite un homme qui soulage, qui prend soin des autres. C’était sa vocation, et son père, mort depuis longtemps déjà, l’avait deviné. Ce jour-là, et vous membres du jury devrez en tenir compte, cet  homme était en mission, il ne commettait pas un crime."


Ma mère malade envahissait aujourd’hui mes pensées, au point où je perdais ma concentration : moi d’habitude si précis, je  vins à poser des gestes hasardeux.  Je  ne  contrôlais plus mon agenda, oubliais des rendez-vous, laissais s’accumuler les factures, ne remplissait plus les commandes de fournitures… Certains clients m’en firent la remarque, d’autres cessèrent de fréquenter la clinique.

Avocat de la défense :

"Un jour, lors d’une promenade, il aperçut une mouette blessée sur le rivage. Elle battait de l’aile et tournait sur elle-même entraînée par un mouvement giratoire qui n’avait de cesse que lorsque l’oiseau était épuisé. Puis la marée poussait une vague et de peur de mourir noyée,  la pauvre bête s’agitait à nouveau. Roger croyait fermement que la nature devait suivre son cours, que tôt ou tard, l’oiseau blessé finirait par mourir  des suites de  ses blessures ou d’épuisement. La fatalité pouvait être aussi d’un autre ordre : la noyade, la faim, la soif. Plus cruelle encore : la visite d’un prédateur. N’est-il pas homme ou femme, parmi vous, qui n’ait  pas déjà eu  cette pensée d’intervenir pour soulager un animal blessé ? "


Dérogeant à mes croyances, poussé par une force extérieure, j’ai pris l’oiseau blessé dans mes mains et d’un coup sec lui cassai le cou. J’ai senti alors chacun des os se rompre et j’ai eu mal pour l’oiseau.  J’ai lancé ensuite l’oiseau à l’eau et laissé aux vagues le soin de l’ensevelir. Puis, j’ai  pleuré. Pleuré au point de ne plus voir devant moi, pleuré pour faire déborder le bleu du  fleuve jusque dans mes yeux.   Je  me savais maintenant prêt. J’ai  remonté le chemin sinueux qui longeait la falaise et je suis rentré à la maison.

Avocat de la Couronne :

"Le lendemain, c’était dimanche. Il se leva tôt, ne déjeuna pas et se rendit jusqu'à sa clinique  en empruntant le chemin de travers qui longeait  l’église. Pour éviter que les fidèles du curé Lavoie ne l’aperçoivent, il baissa les toiles et se retrouva dans la pénombre. Il choisit une seringue équipée d’une aiguille à double biseau et deux contenants  d’un anesthésique  à caractère ostéocentral . Tout le matériel nécessaire pour atrophier le nerf mylo hyoïdien et provoquer chez le patient une fausse route lorsqu’il s’alimenterait. Au fur et à mesure qu’il posait ces gestes, il ignora volontairement le code d'éthique  qui lui interdisaient chacun de ces gestes ! Il se savait fautif mais il posa le geste fatidique, c’était un acte conscient qui mérite  une peine exemplaire."


Je  regardai mes mains qui tremblaient. Je  pleurai encore. Je revis  la mouette dans mes mains et sus que c’était la bonne chose à faire.

Avocat de la Couronne :

"Il prit la boîte de chocolat destiné à sa mère et partit pour une dernière fois en direction du Centre d’hébergement. Ce sont des faits."

Je le faisais pour moi – et pour mon père- , c’était une question de dignité. Il ne pouvait être question que je recule, même si je savais que cela n’avait aucun sens. La mouette, aurais-je dû attendre que la vie s’en charge ?

***

Je  repensai à ses hommes qui  se privent de leur liberté  pour faire le bien, et qui cela fait, ne peuvent comprendre ce qu’est vraiment le bien. Je savais maintenant que mon père n’avait pas toujours raison.

Le gardien me regarda et m'assigna ma cellule.

Je souris de contentement  et pensai à Camus.

lundi 26 septembre 2016

L'INVENTAIRE





Photo :Michel Clément 

Me voilà cette semaine pris entre deux Fêtes nationales. Et bizarrement, ni l’une ni l’autre ne m’inspirent. Je ressens le besoin de me revisiter. Je crois de plus en plus que les petits ensembles feront l’avenir. -En lisant cela, les souverainistes doivent se pourlécher les babines… - Non, je ne pense  pas au Québec par rapport au Canada ; je  pense plutôt à la Haute-Côte-Nord! Non, je ne vais pas me Rambométamorphoser et vous suggérer de mettre les étrangers dehors! Ce n’est pas ma tasse de thé et de plus, j’étais pourri au baseball ! 


Je vais plutôt  faire un tour de machine. Je gage que vous n’avez pas entendu cette expression depuis des lunes ? Donc, j’aime les tours de machines et les vieilles expressions. Dans ce périple motorisé, j’ai l’impression de faire l’inventaire de mes terres. Parce qu’au cas où vous l’ignoriez, la Haute-Côte-Nord m’appartient. C’est surprenant, mais si ! 


Constat un peu platte de mon inventaire : robustes  panneaux indicateurs torturés, pelouses labourées par des pneus, clôtures arrachées, poubelles renversées, graffitis qui brisent l’espace public, terrains négligés … Messieurs les vandales, on jurerait que vous ignorez que la Haute-Côte-Nord  est une propriété collective ! Et oui, j’ai un peu menti, je ne suis que copropriétaire !  Oui, la Haute-Côte-Nord, vous appartient ! Vous êtes par votre naissance, par votre choix migratoire, par votre seule présence ici, les seigneurs des lieux.  N’est-ce pas extraordinaire d’être ainsi élevés à ce rang sans effort aucun, sinon les labeurs de nos prédécesseurs !   

Nous sommes 10978 seigneurs sur une surface extraordinaire de 11260 km carrés. Batinse! ça fait un kilomètre carré pour chacun de nous ! Notre région est belle de nature, belle de son fleuve, belle de ses diversités, belle  de notre présence … J’arrête, trop de beauté me mouille les yeux!   


Par contre, trop de conneries m’arrachent les yeux! J’ai presque honte d’écrire cette chronique parce que je sais que l’an prochain, je pourrai écrire la même, car trop de connards ne se seront pas approprié leur pays ! J’aurais envie de crier : « Hé ! Le cave, ce terrain de golf, il est à toi, cet aréna t’appartient, cette plage, c’est la tienne, cette promenade, elle est pour tes bottines ! Et la poubelle, hein ?! Tu crois que c’est une décoration ?! » Je préfère me taire ! 


Reste de  l’inventaire destiné aux  touristes : du sable sur une centaine de kilomètres. Ce sable, héritage de la déglaciation remontant à plus de 14,000 ans, est devenu une marque de commerce patentée. La route des plages existe : ce sont les plus belle plages décalifornisées (cali = chaud, fornia = four) au monde. Sur cette route des baleines et des plages, vous rencontrerez  des grains de sable apprivoisés, ils  sont l’essence même des merveilleuses créations artistiques de la Marchande de sable sise à Forestville.   


Dans mon pays, vous marcherez dans le sable et  vous pourrez fouilles archéologiques à l’appui, mélanger vos pas à ceux des chasseurs-cueilleurs qui le foulèrent, il y a 10,000 ans. En mettant le pied dans mon pays, vous découvrirez  que le sable ici se vend à la tonne : sans ce sable  arraché  aux millénaires, pas de pont de la Confédération ! 


M’adressant aux touristes qui ont autre chose à faire que de me lire, je m’adresse aussi à vous,  copropriétaires, qui avez oublié que vous habitez un royaume! Vous devriez vous déguédiner et embarquer dans vos machines pour m’aider à finir l’inventaire ! J’ai compté le sable, il reste les eaux, les rocs, les épinettes, les animaux, les insectes, les poissons …



Les seigneurs ont des droits, mais aussi des devoirs ! À bon entendeur, salut.


vendredi 9 septembre 2016

FRANC-PARLER: Robin Pinel , Éric Lessard et les autres ...



L'affaire des taxis versus Uber  me questionne  beaucoup. Je n'arrive pas à comprendre comment un gars qui a payé très cher un permis de Taxi, peut rester stoïque et gérer ses émotions devant une pareille injustice? Labeaume à Québec tonne : " Ils ne prennent pas la bonne façon de se faire entendre". Venant  d' un gars qui a une montée  de lait  par semaine, on laisse passer  !    


Je remarque une chose, les politiciens ont le droit de mal gérer certaines situations, les politiciens ont le droit de changer les règles, les politiciens peuvent bouleverser la vie des travailleurs, et cela en Santé, en Transport, en Éducation, mais le peuple et les gens concernés, eux, doivent se taire.   


J'appuie les chauffeurs de taxi à qui on reproche d'être rétrograde. Ça sent l'évidence indiscutable ! Adaptez vous ! En silence de préférence, en rang d'oignon mais sans trop sentir l'oignon !  Et vous , consommateurs et honnêtes citoyens, suivez le guide, follow the guide , prenez vous en aux chauffeurs ! 


 Si les gens lésés sont prêts à perdre de l'argent pour résister, levons leur notre chapeau . Les gens manifestent quand ça leur fait mal ! Sinon, ils seraient à  la maison. Comme le dit mon  copain  dessinateur : "Sortir dans la rue implique que les gens souffrent !" 


 Combien de politicien sont prêts à perdre leur argent pour se battre ?  Avec vos dollars , ils font les fanfarons mais avec le leur, c'est autre chose. Ils se dépêchent de se voter des augmentations... Leur travail est tellement hors de notre portée, qu'ils ne prennent même plus la peine de justifier leur geste ! Peuple ignorant: votez et taisez-vous ! 


Le  responsable qui a créé ce problème ? Il prétend vouloir répondre  à vos besoins... Les super-laboratoires dédiés aux analyses médicales répondront aussi à vos besoins. Une chance que quelqu'un, quelque part, pense à vos besoins !  


Les chauffeurs  méritent notre  respect et cela  même si la pluie  vous oblige à vous mouiller après une partie de hockey au Centre Vidéotron!  ! Une société manipulée, ou chacun vit pour soi et dans l'immédiat, dans laquelle on ne pardonne plus ceux qui revendiquent. Que mange la sympathie en hiver ? La solidarité se pratique individuellement en mettant 5 $ dans un bidon d'eau vide ou dans une canisse de la grande Guignolée des médias. 



Revenons sur la HCN .  Supposition:  je prends ma retraite très bientôt , je rejoins  Uber Taxi. Pas besoin de payer un  permis spécial . Les chauffeurs doivent  se procurer un «permis de transport intermédiaire de transport de taxi». Un tel permis coûte dans les 500$ comparativement aux 200,000 $ payés pour le permis de propriétaire de taxi  ." Pas un gros investissement si je manque mon coup ! 


Et que font Pinel , Lessard, Laprise  avec leur flotte ? Ils continuent comme si de rien n'était ?


Si  j'en viens à faire partie d'Uber , je  leur  leur volerai  leur gagne-pain  ! Et leur permis sera revendu à qui ?  Autrement dit : même les nombreux zéros consentis pour acheter ce précieux permis ne vaudront plus rien . NADA ! 


On parle de moderniser l'industrie; il y aura même un fonds dédié à  cet exercice , bravo au Gouvernement ! Mais si l'industrie meurt, que moderniserons-nous ?  

Le parfum d'une rose n'efface pas la présence de ses épines!  


Quand on change les règles ,on le fait jusqu'au bout. Si tout le monde doit jouer au néo-Monopoly , et bien qu'ils partent tous de la même case. Je n'ai rien contre le changement, mais quand René Lévesque a poussé assez fort sur Jean Lesage pour acheter les barrages des entreprises privées (Power machin et cie) pour nationaliser la production et la distribution de l'électricité, le Gouvernement a dédommagé les actionnaires des "Power" en conséquence !

Dans ce cas,   il s'agit de jouer franc-jeu : tout le monde doit passer à GO  et aux mêmes conditions ! C'est une question d'équité.


mercredi 7 septembre 2016

Ma dernière chronique






Pour en finir une fois pour toute avec les chroniqueurs.



Voici venue ma dernière chronique, je répondrai donc à quelques questions des lecteurs.

1. Que mange un chroniqueur ? Que fait-il la nuit ? Que lit-il ?
Il mange de la misère ou des bêtises. La nuit, le chroniqueur  dort. Le chroniqueur ne lit rien, il attend que le dvd sorte.

2. Que pourrai-je faire pour remplacer la lecture de votre chronique ?
Les chroniqueurs sont des êtres inutiles qu’on remplace facilement par un bon mot-croisé. De plus, le mot-croisé procure lui aussi du plaisir en plus d’être instructif.

3. Conseilleriez-vous à mon fils de devenir chroniqueur ?
Non, plombier c’est plus payant.

4. La Côte-Nord est-il un endroit propice pour faire pousser des chroniqueurs?
Pas du tout.  Le climat y est froid. Le chroniqueur est une plante verte qui dérange à cause de ses feuilles subversives. En plus, ils coûtent cher à arroser.

5. Quelle est  la principale qualité d’un chroniqueur ?
 L’indépendance d’esprit.

6. Quelle est le principal défaut d’un chroniqueur ?
L’indépendance d’esprit.

7. Quels sont les sujets préférés du chroniqueur ?
La vie d’ici. Phrase préférée dans le livre d’Érika Soucy :  «  La grosse crisse de montagne qui empêche d'avancer, watche-la ben, on va la faire sauter. »  Le chroniqueur aime les mots-dynamites et le silence qui se brise suite au gros boum. Le chroniqueur croit que la presse, c’est autre chose que de parler de Céline et de lire le 7 jours.

8. Que pense le chroniqueur du droit de parole ?
Il pense que le silence est d’or et que la parole devrait prendre le traversier.

9. Que voit le chroniqueur pour la  Haute-Côte-Nord dans un futur proche  ?
 Excusez,  mais j’ai oublié mes lunettes.

10.Quel était votre but en écrivant cette dernière chronique ?
Démonter que gaspiller  de l’encre est une chose facile.

11. Pouvons-nous espérer vous relire monsieur le chroniqueur ?
Oui. C’est simple, recommencez au début. On appelle ça le mouvement perpétuel.

12. Où exprimerez- vous  vos idées dans le futur ?
Quelle idées ? J’ai déjà oublié.



Merci à tous mes fidèles lecteurs. Excusez là ! 

 



Le coeur de Gaudreault et mon chien perdu.

Au printemps de 1969 , Paney , le caniche  de mon ami Jean-François à Welleston , donne naissance à quatre petits chiots noirs. 


Pour nous, les petits gars du crain , la maison de Garde Mailloux est un arrêt obligatoire avant de rentrer à la maison. Ainsi  la gestation  de Paney n'échappe à aucun de nous. Dans ma tête, il y a une course contre la montre qui commence : il faut coûte que coûte que j'adopte un des chiens qui viendra au monde  ! 


Tous les petits gars de la classe de troisième année de madame Diane Hervieux veulent un chien. Lors de la période de français, nous lisons le fameux livre intitulé: Le conte du chien perdu. Puisque la pédagogie me prête main forte,  signe du ciel indiscutable ,  j'arriverai à convaincre ma mère qu'un chien peut être un membre à part entière de la famille Bouchard !  


 Et si malgré mes bons arguments , ma mère ne voulait tout de même pas  d'un chien dans la maison ? Ce n'était là pour moi, qu'un détail. J'avais déjà  pensé à mon affaire: j'arriverais avec le petit chiot dans mes bras et je le laisserais sur la galerie. Mon petit frère Jean jouerait avec la petite boule noire et frisée et  je pourrais ainsi gagner le coeur de ma mère. 


Ce genre de stratégie fonctionnait très bien dans le monde de Walt Disney et aussi dans Quelle famille ! Sauf que ... dans les films de Disney quand le petit frère prend le chiot dans ses mains , celui-ci ne fait pas ses besoins sur son plus beau gilet... Mon scénario était fichu, je n'aurais de chien que celui de  l'image de mon manuel scolaire ! Sauf que...  le téléphone a sonné. Dans tous les bons film, le téléphone sonne. Deus ex machina !   Garde Mailloux qui était à l'autre bout du fil a expliqué à ma mère abasourdie que le chien que "nous" avions choisi devait rentrer au bercail pour encore quelques jours , le temps de terminer le sevrage...  Walt Disney peut aller se recoucher, je me charge de ma vie ! 

Mais que vient donc faire Gérard Gaudreault dans cette affaire ? 

***


 Gérard Gaudreault fut par son courage et sa ténacité,
  l'étoile de la partie d'hier contre Baie-Comeau.

Gérard Gaudreault n'a laissé de son passage aux TGB que de bons souvenirs. Ce petit joueur de hockey a ravi le coeur des Bergeronnais dès ses premières apparitions sur la patinoire. Il arrivait à point dans cette localité  où l'aréna ponctuait la vie des villageois... Comme en témoigne Jean Gauthier à Patrick , "Gaudreault soulevait la foule avec ses échappées et ses buts spectaculaires." Il réchauffait l'aréna. 


Mais comment un gars issu d'une famille de neuf enfants et né à Port-Cartier se retrouve-t-il à jouer au hockey au Centre Civique de  Bergeronnes ?


Gérard raconte:

"Marius Bouchard et Germaine Dufour opéraient  un restaurant à Port-Cartier et j'y ai rencontré Francine Bouchard (fille de Léda  Tremblay et Jean Charles Bouchard)  de Bergeronnes. C,est là que je suis tombé en amour. 


 C'est son demi-frère , Laurent Dufour qui m'a trouvé un contrat dans la ligue du Saguenay . J'ai réussi à casser mon contrat à Sept-Iles (Tigres de la ligue Intermédiaire A en 1966)   et je me suis retrouvé à jouer avec des gars comme Gérald Langelier , les frères Heins  , les frères  Michel, Blaise et Yves Larouche , les frères Jacques et Bruno Gagnon ...

J'ai habité deux ans aux Bergeronnes, j'ai   bien connu Arthur Simard , il était contremaître dans toutes les constructions,  j'ai aussi travaillé à conduire un bus pour les travailleurs forestiers... À l'aréna aussi ." 

 Michel Bouchard à Paul se souvient: Tout un joueur d'hockey , un travailleur, tout un top net à ce que je me souvienne ... Il travaillait à l'aréna et lui, il n'avait pas de préférence , il aimait tous les jeunes et cela sans distinction. Gaudreault était un vrai guerrier, un joueur naturel.  Même avec ses blessures au dos, il adorait son sport et a continué à aider  bien des jeunes même ceux qui n'avaient  pas beaucoup de talent !! ...Merci Gérard !!!


Gérard me raconte aussi des histoires plus personnelles: son fils qu'il  a perdu à l'âge de 37 ans à   cause d'un cancer du cerveau ; et cet accident aussi  qui le contraindra à  cesser de travailler aux Silos Port-Cartier, lieu de transbordement des céréales en provenance de l'Ouest, c'est là qu'il a gagné sa vie et celle de sa famille : deux extraordinaires filles et ce  gars parti trop tôt...  Au mitan de sa vie , un trouble de l'équilibre  l'oblige à abandonner son sport favori . Il a 38 ans... 

Il me parle aussi avec enthousiasme et avec une certaine fierté  des plages extraordinaires de son Port-Cartier natal et des bonheurs ordinaires qui aujourd'hui comblent sa vie. 


Gérard en ces temps bénis où les arénas étaient remplis à pleine capacité , a joué  pour les Mineurs de Sept-îles et aussi à Matane et à Rimouski (Feuille d'Érable).
" On transportait les joueurs en avion, parce qu'il fallait travailler le lundi matin. "


Ses  joueurs préférés :Serge Bernier qui évoluait contre lui dans l'équipe de Castor de Matane,  Alain Côté parce qu'il a joué à Matane et que l'autre y était . Maurice Richard, le Rocket, dont il portera autant que possible se peut,  le numéro 9 ; Gérald Langelier  qui patinait aussi vite de reculons que d'avant et qui aurait dû faire la LNH ... 

Langelier, fils de François,  a lui aussi jaugé ce talentueux coéquipier: "Brillant petit joueur, avec lui j`ai apprécié comment déplacer un gardien de but pour lui enfiler la rondelle entre les jambières..." Fait confirmé par l'entraîneur, Marcel Lessard.

  J'ai oublié de lui demander s'il croyait que le but d'Alain e Coté était bon ? Si vous connaissez Gaudreault ,vous avez la réponse...




Rangée 1 Marcel Lessard, Luc Gauthier, Roger Gagnon , AugustinBouchard (?), Jean-Marc Heins ?, Yves Larouche, Michel Larouche, Bruno Gagnon ,Gérard Gaudeault Rangée 2   Gérald Langelier,Jean Tremblay, Blaise Larouche, prénom? Imbeault , Jacques Gagnon, Odilon Heins, Daniel Heins





Quelques témoignages 

Luc Gauthier à Patrick 

J'ai arbitré pendant 24 années dans le secteur BEST et laisse-moi te dire que  Gaudreault, dans mon livre à moi, était tout un joueur de hockey. Il n'était pas grand mais il avait du cœur au ventre. Excellent dans les deux sens de la patinoire, rapide, intelligent, bonnes mains et gentilhomme par dessus tout !

Roger Gagnon à Héliodore
Bobby Orr  : une rencontre mémorable.
J'ai été entraîneur-gérant des clubs de Bergeronnes, j'ai jamais vu un joueur avec autant de talent  et de courage que Gérard,  il pouvait enfiler une rondelle dans un espaces impossible! Il était le meilleur de l'équipe. Il jouait souvent très blessé. Je crois que c'est  Yvon Millette qui a mis fin à sa très brillante carrière. (Lors d'un match de la ligue Montagnaise à Bergeronnes)


Michel Larouche à Gaston 


 Luc Gauthier  a tout à fait raison. Quel joueur spectaculaire. Petit de taille avec un coeur aussi gros que l'aréna. Je ne l'ai jamais entendu critiquer personne. Il avait toute une feinte pour coucher un gardien puis loger la rondelle dans le haut du filet. Gérard et Gérald Langelier sont certainement les deux meilleurs joueurs avec qui j'ai joué au hockey.


10 avril 1968 , Ligue Montagnaise
JOURNAL LA CÔTE-NORD


1968 ,28 fév.








En terminant ...

Ce dont Gérard Gaudreault  est le plus  fier, c'est d'avoir toujours été très naturel dans ses relations avec les autres.: " J'étais comme ça , j'ai toujours été comme ça, je parlais à tout le monde... " Il était un gentleman tant sur la glace que dans le salon chez Jean-Charles Bouchard et aussi chez Madeleine... 

***

Mon chien portait le nom de Sony - Sunny selon mes soeur qui n'ont pas échappé aux tendances du mouvement  hippie- ...Ce chien fit le bonheur de toute la famille jusqu'au jour où ma mère tomba enceinte. Elle avait 41 ans, et selon le Dr Gobeil , sa grossesse était à risque et au nombre de fois où elle devait courir jusqu'à la salle de bain en pressant sa main sur sa bouche , elle ne préparait pas un marathon. Après bien des discussions , des larmes et des cris , et malgré les promesses des enfants de prendre soin  de Sunny avec plus de rigueur et d'assiduité, il fut décidé de se débarrasser du  chien. Ma mère était exténuée. La petite Caryne que nous ne connaissions pas encore serait la septième enfant de la famille... Ce bout du scénario m'échappait: Sainte Jeannette Bertrand venez à mon aide ! 

Jeannette ne vint pas, elle ne réglait des problèmes qu'à Montréal. Ce fut Gérard Gaudreault qui vint ! Il s'annonça avec son sourire habituel, sourire auquel j'attribuai ce jour-là un petit coté doucereux. Sunny ferait du covoiturage jusqu'à Port-Cartier.


 Quand j'ai vu mon chien embarquer dans la voiture de Gaudreault, j'avais la mine basse et je suis entré dans la maison , je n'avais pas le courage de voir ma boule de poils noirs partir, quitter ma vie, se soustraire à ma présence...Pas un euphémisme n'est venu essuyer mes larmes. 

Quand ma mère est enfin entrée dans la maison, j'étais recroquevillé sur le divan du salon et je sanglotais, on venait de m'enlever mon chien qui me suivait partout, qui courait dans la maison pour m' accueillir quand j'arrivais de l'école, qui me mordillait les mains quand on jouait par terre dans le salon; ce chien qui savait attendre, couché par terre sur le prélart vert et rouge de la cuisine que je finisse mes leçons pour encore m'accompagner dehors, partirait jouer ailleurs...  Ma mère dans un geste de tendresse me serra contre elle et me dit :" Ton chien n'est pas parti n'importe où , il va chez Gérard Gaudreault."   

***

Ma blessure de petit garçon  n'a pas guéri spontanément , mais j'avais  compris que ce qui allait se passer ensuite ne regarderait  plus que Gaudreault et son coeur. Je pus à partir de cet instant, imaginer mon chien heureux.

mardi 6 septembre 2016

Chronique saumon.

Bergeronnes -   René Gagnon -1969

Je suis un saumon. C’est du moins ce que mon père disait. Il avait aussi baptisé une  de mes sœurs « petit ours » parce qu’elle fouillait dans la jarre à biscuits avec avidité...


Je suis un saumon parce que j’aime revenir aux sources. Et aussi parce que je les respecte.


Dans une conversation à bâtons rompus avec une vieille connaissance de la région des Escoumins  – que je ne nommerai pas ici par respect- nous en sommes arrivés à une constatation commune : les « anciens » qui nous visitent pendant la saison estivale ont souvent des commentaires négatifs à  l’égard de leur région d’origine.


Même s’ils ont été élevés dans le même village que ceux qui sont restés, même s’ils partagent la majorité des valeurs reçus pendant  l’enfance , même si ils y reviennent année après année , ils trouvent le moyen de dénigrer leur milieu d’origine. « Moi, je ne reviendrais pas vivre ici ! » 


Jusque là, pas de problème ,c’est un choix bien exprimé. « Je me demande comment vous faites pour vivre ici ? » 


J’ai déjà harangué quelques connaissances à ce sujet , je fus moralisateur à souhait.  Je leur ai  expliqué que Boucar Diouf n’aurait pas été le même s’il n’était pas né au Sénégal, s’il n’avait pas étudié dans le Bas-Saint-Laurent,  s’il n’avait pas animé des jeunes à l’École de la mer de Bergeronnes  , s’il n’avait pas  travaillé dans la métropole… 

Boucar  est un modèle d’intégration  qui n’a surtout pas oublié ses origines, ni les diverses expériences qui l’ont construit. 


Nous pouvons tous - à notre mesure, et selon notre singularité -, nous pouvons tous donc,  devenir des ambassadeurs  au lieu de démolisseurs . Cela ne veut pas dire de taire notre esprit critique, cela ne signifie pas qu’il soit interdit de porter des jugements sur ses origines … Cela veut juste dire qu’on ne peut pas à la fois prétendre avoir la réponse et poser la question ! 


 « Je me demande comment vous faites pour vivre ici ? » Nous nous demandons  la même chose , sauf que nous , on a trouvé la réponse !  


jeudi 18 août 2016

MADISON SQUARE DANUBE

Madison Square Danube 
Une nouvelle parue dans le recueil  De tout bois, mai 2016


Il sait depuis longtemps que cette expression ne veut rien dire, son épouse Laura ne cesse de le lui répéter.- Madison Square Danube, c’est drôle, non, chérie ?-  Comptable de son métier, Jean, qui était originaire d’Alma, devait souvent voyager. De l’ouest à l’est, en passant par Forestville , il devait souvent découcher. Ce qui le tracassait vraiment, car il haïssait les hôtels et surtout les chambres austères et froides. Et il y avait aussi son épouse qui lui reprochait ses absences : « Tu ne vois pas grandir la petite, chéri . » répétait-elle.-Je sais, chérie!-


Un jour, Jean débarqua à Forestville. Il se rendit à son hôtel préféré, -C’est le seul chérie!-   pour y louer sa chambre de prédilection : la 1260 au deuxième étage. Celle-ci n’était pas disponible, la préposée à l’accueil  - Je dis maître d’hôtel, chérie. -lui donna la clef du  1447  au deuxième étage. -Merde, il n’y a que deux étages, et des numéros pour impressionner les touriste , chéri  !
Quand il ouvrit la porte de sa chambre, il sentit une forte et désagréable odeur de souffre. Il songea à se plaindre, mais à quoi bon.  Sa chambre favorite était déjà occupée et il redoutait que  l’administrateur de l’établissement ne le juge négativement, anéantissant ainsi toutes ses chances de pouvoir contracter avec cet oasis de la 138, une entente de plusieurs milliers de dollars, ce que son patron aurait jugé suffisant pour le mettre à la porte. Absorbé dans ses pensées, l’homme de chiffres  ne remarqua pas la porte qui s’était, sur sa volonté propre semblait-il, refermée derrière lui.


 - Chéri !  les revenants , c’est dans les films-.


***


C’était impossible, mais pourtant… Il s’était pincé le bras comme le lui avait recommandé sa mère alors qu’il était enfant, rien à faire, la chose était devant lui. En se glissant sous les draps, il avait remarqué cette gravure illustrant une scène qui lui semblait bien banale : une mère de famille qui faisait la lecture à un enfant alité et un père qui lui épongeait le front. Le tableau était accroché de travers, rien d’étonnant dans une chambre anonyme où les clients se succédaient.-–Dans le restaurant en bas, il y de vraies Linda Isabelle, chérie ! - Il pensa à se relever pour  remettre la toile  en place. Mais on aurait dit que  l’odeur de souffre  l’avait vidé de toutes  ses énergies. Il se sentait vide comme une allumette noircie. Consumé. Puis, la gravure s’était animée. Ce qui le ranima, pour ainsi dire.


Cette femme sur la gravure, cette mère, c’était la sienne et ce garçon, c’était lui. En tout cas, c’est ce qu’il croyait. Il eut beau se frotter les yeux, se couvrir avec les draps, l’image s’était détachée de la gravure et les personnages lui semblaient vivants. -Thomas Hart Benton sur  l’autre mur, une reproduction, chérie ! - Et l’odeur de  souffre envahissait maintenant toute la pièce. Il ne put s’empêcher de penser que cela lui causait une hallucination prolongée. Une hallucination qui le ramenait dans le passé où malade de la polio, sa mère  l’avait veillé pendant des nuits, lui sauvant la vie par son dévouement et sa présence. 

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Thomas Hart Benton, The year of peril , 1942


Il entendait maintenant des voix. Celle du père en particulier qui ne cessait de marmonner avec une voix éteinte, ce qui  lui sembla être  une prière. Et voilà que les yeux tournés vers le plafond, il vit celui-ci s’éloigner, en fait, il lui semblait plutôt que le plancher de la chambre s’ouvrait. Il jeta un œil du coté de l’épaisse moquette verte, et il n’aperçut que du vide, un vide jaune, chaud et menaçant, qui bientôt se transforma en des flammes fuligineuses qui dégageaient  une odeur sulfureuse insupportable. Et il entendit encore la voix du père psalmodiant à travers le souffle  du feu  qui envahissait tout l’espace.
C’était un psaume. Il le savait maintenant. Il demanda à Dieu de faire taire tout ce bruit dans ses oreilles. « Étends tes mains d'en haut; Délivre-moi et sauve-moi. »* entendit-il enfin. Il pria à son tour. Lui qui ne l’avait pas fait depuis longtemps. Il pria, il pria...  Et tout d’un coup, un grand silence s’étendit sur la chambre. –Oui, les chambres sont insonorisées, chérie!-



Au petit jour, il s’éveilla. La chambre avait repris son air coutumier. Il se sentait fatigué comme on se sent après avoir dormi dans un lit étranger. Le téléphone sonna. Il ne répondit pas immédiatement, arrêté dans son action par une pensée folle, la voix d’hier, la voix du père priant, cette voix ramollie se trouvait sans doute au bout du fil… -Les revenants ,c’est dans les films ,chérie!- Il se trouva bête et finit par décrocher l’appareil . Son épouse lui apprit que sa fille avait été prise d’une fièvre subite et que le docteur avait failli la perdre. Elle lui reprocha une fois de plus ses absences. Mais lui savait plus que tout autre, qu’il avait, cette nuit-là, tout fait pour sauver leur fille. Et c’était grâce au hasard, s’il y a hasard en ce cas, lequel l’avait mené à  la chambre 1447.

*psaume 144 , verset 7


Thomas Hart Benton, The year of peril , 1942

vendredi 12 août 2016

Deixei mihaterra

Sur son île . 

 J'ai entendu et j'ai écouté. Moi quand quelqu'un part sans avertir, j'ai des larmes. Beaucoup . À renverser les marées. À noyer les baleines. 

J'ai entendu et j'ai écouté . On a tous une histoire de départ précipité à raconter. On a tous un traumatisme  à évacuer. Moi, je pleure. Je sanglote, j'ai la gorge nouée. Un noeud à faire virer le vent, un noeud à m'attacher au tronc d'un arbre , un noeud qui me la  boucle. 


J'ai entendu et j'ai écouté. Elle est venue mourir sur sa naissance. Tout d'un coup . Un coup fatal. Un coup qui fait mal. Un coup comme  un poing au coeur. 


J'ai entendu et j'ai écouté. J'ai perdu le souffle pour ses soeurs , pour ses frères , pour ses enfants, pour ses petits-enfants, pour son amoureux. J'ai perdu le souffle  pour sa famille d'ici et de là-bas. Et je la connais à peine. À  peine mais assez pour entendre et écouter. Des villageois  qui cherchent  une raison.


La raison n'y est pour rien, pas de vérités ni de règles , juste la vie qui continue. C'est assez.


Assez pour me taire et penser à mon père et regarder, à  mon contentement,   mes enfants qui penseront à moi.

Pour la suite du monde, dit-on ici.