Instant de vie chez les Bouchard

Instant de vie chez les Bouchard
Claude Mattheau, 2014

dimanche 22 mai 2022

L'autre village -Roman -Extraits



La seconde impression de ce roman est un peu inattendue. Je m'étais dit, on en fait une couple de cents comme  on prend une couple de lièvre  et après on passe à autre chose. Mais voilà que la trail est ouverte et que des lecteurs se lancent dans le collet ! 

Pourquoi ? Je ne sais pas et je ne veux surtout pas le savoir. Toutes les raisons sont bonnes pour lire un bouquin. 




RÉSUMÉ

Rien n'est plus stupide qu'un résumé. C'est réducteur . Accrocheur. Mais ce n'est pas du tout le roman ! L'information du lecteur obligeant, voici...




EXTRAITS

Des extraits, c'est aussi une affaire bizarre. C'est comme goûter un morceau d'éléphant. Si tu tombes sur la défense ou l'appendice caudal ... Tu mâcheras longtemps ! 

Le mieux,  c'est de rencontrer la bête . 


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Richard était le plus réaliste de nous quatre, et le plus craintif aussi. Ou peut-être était-il simplement la voix de la sagesse, une disposition de l’esprit difficile à percevoir pour des adolescents dont le niveau de maturité consistait à imiter les travers les plus intolérables des adultes. Se réunir pour fumer, se saouler ou traîner devant le Madisson Square Fortinne dans l’espoir qu’un rideau mal fermé nous donne à voir une stripteaseuse, n’était pas exactement les critères auxquels faisaient allusion nos parents en pensant à notre éducation. 


***

La lune avait fini de jouer à la chaise musicale avec les nuages, il faisait juste assez noir pour s’introduire dans le cimetière. La suite des choses allait s’inscrire dans notre vie aussi nettement que les écritures de mon père sur le papier carbone de son livret de factures. Marqué, je dormirais longtemps, la tête sous les draps…  

***

Ce qui fit dire à Richard que « la chance n’était pas toujours chanceuse. » Avant que Sylvain n’entre dans la danse et reprenne les hostilités, j’ai décrété qu’un cadavre était un cadavre. Une tautologie qui n’augurait rien de bon mais qui avait au moins la faculté de circonscrire le débat.

 On s’apprêtait à ouvrir le cercueil avec les outils des fossoyeurs ; une pioche et une pelle accrochées aux murs serviraient notre curiosité. Tout allait trop bien, Richard nous demandait si la tête du père de Rocky avait été recousue; et si ce n’était pas le cas, ne serions-nous pas placés devant un monstre en deux parties ?    

***

En mangeant mon Big John (croisement entre le hamburger, le sous-marin et la pizza qui multipliait par trois les brûlements d’estomac) il m’apparaissait que d’ouvrir l’enveloppe serait hasardeux, la présence de Boss Bouchard me semblait essentielle pour en comprendre toute la teneur. Poser un geste illégal en entrant dans la chapelle était un risque calculé mais qui allait à l’encontre du principe de l’agence : Réunir les faits, interroger les témoins, visiter le terrain et ne pas s’impliquer inutilement. Bref, rejoindre Boss sur la rue Jean-Talon serait plus avisé. 

***

« Écoutez ! L’hiver passé moi pis trois de mes chums on a décidé d’aller visiter les morts au cimetière. On a attendu janvier, on voulait être sûrs que les cadavres étaient gelés. Un zombie ça court moins vite gelé! On n’a jamais vu un popsicle gagner des médailles aux Jeux Olympiques. On est entré par un carreau de deux pieds par deux pieds, on avait peur en maudit, on aurait dû se geler nous autres aussi ! Dans la chapelle, y’avait une trappe, on l’a ouvert. HiiiIiiii! Une chance, on avait amené du WD 40. Hooo! On s’éclairait avec nos lighters, on a failli se sacrer en feu. D’où l’expression feu monsieur Tremblay …   

-  Tu vas raconter toute l’histoire ? demanda Richard, sceptique.

-   Oui, je vais raconter notre version en faisant rire le monde, pis je vais leur raconter le bout de la bague, je vais dire que Sylvain a été sauvé par une fantôme… Les bavards vont être de moins en moins nombreux, il va y avoir assez de monde pour dire que c’est juste une histoire inventée! 

-   Vas-tu parler du curé ? 

-   Crisse oui ! Je vais dire qu’il a eu la bague par la malle mais qu’il n’a pas vu que le timbre datait de 1844 ! Pis que la lettre n’a pas été livrée par le facteur, le curé est allé la chercher lui-même parce qu’il manquait d’exorciste !!   On en a ben manque des idées!

 Pris d’un fou rire, les blagues fusaient du capharnaüm de nos paroles, la machine à idées était ouverte.  Comme nos ancêtres, nous étions des indociles.