Instant de vie chez les Bouchard

Instant de vie chez les Bouchard
Claude Mattheau, 2014

samedi 23 décembre 2017

Café.

Terre des Sirois (Bergeronnes)                                Magasin des Tremblay (Forestville)


Si vous êtes de Forestville  ou des environs et que le surnom de Café n’évoque rien en vous , soit vous avez été en hibernation dans les 50 dernières années , soit vous êtes né  au moment où Café commençait à mourir.
  
Mon cousin Michel n’est pas vraiment mort le samedi 16 décembre. C’ est arrivé avant. Et je vous jure que je sais de quoi je parle, ma mère ayant vécu pareil chemin. On parle ici de démence fronto-temporale , pour ma mère on parlait de la maladie d’Alzheimer. La seule et grande différence , ma mère avait 86 ans, le fils de ma tante Rita , 57 ans . 

On ne meurt pas subitement  d’une démence , on meurt par petit bout. Michel est mort à sa profession: il fut un temps où cet entrepreneur pouvait abattre du travail comme deux hommes, et un autre où il ne pouvait même plus faire la différence entre un 2 x 4 et un 2 x 6 .   

Ce grand six pieds , comme le chantait  Claude Gauthier, était aussi un père aimant  . Puis, il ne le fut plus. J’irai même jusqu’à dire que si l’amour filial  ne quitte jamais le coeur où il s’est installé , il vient un jour , où la maladie prend le dessus et écrase ce que nous avons de plus précieux en nous. Ma mère, un  jour ne m’a plus reconnu , mais je savais qu’elle m’ aimait. Pour Michaëlle,  la fille de Michel ,malgré l’amour, ce silence fut lourd.  

Puis Café a cessé d’être un hockeyeur, un partenaire de golf, un frère et un associé pour sa soeur Lyne,  un joueur de tour, un sourire sur la rue de notre quotidien forestvillois... 

Au fait,  pourquoi l’appelait-on Café ? Son énergie héritée des Sirois ?  Son teint foncé hérité des Tremblay ? Quant un surnom nous colle à la peau ,on ne vient à ne plus savoir pourquoi.  Se demande-t-on pourquoi ,une rose est une rose  ? Elle embaume disaient Roméo et Shakespeare ,  et on vit avec. 

Parlant de vivre avec. Café n’était pas un saint . Je l’écrirais que vous ne me croiriez pas !  J’ai entendu plein de choses sur Café, et là, je dois prendre mon courage à deux mains pour tapoter ce bout de texte, parce qu’habituellement il est de rigueur  en ces jours de peine  de faire la lumière sur les qualités du défunt;   en vrac, ça donne: obstineux,  excessif, instable,  ...Certains aimaient son coup de scie, d’autres, non . 

 Comme je partage avec Michel, une bonne part de génétique, je sais qu’il en rirait ! J’ai été comme lui commerçant , et j’ai appris que l’unanimité n’est pas de ce monde.  L’unanimité, c’est plus courant quand on est devenu un tas de cendre ou qu’on repose six pieds sous terre... 

Voilà qui m’autorise à dire que mon cousin Michel était généreux,qu’il était vaillant,(il arrivait à six heures sur un contrat) ,qu’il bégayait (un charme !) ,  qu’il aimait sa petite ville, qu’il respectait son père Maurice  (entre deux obstinations) , qu’il  aimait sa mère Rita (que de repas en sa compagnie)  , qu’il adorait sa fille...bref , dans la balance de la vie, le poids de ses  défauts aurait probablement été en déficit par rapport à la colonne de ses qualités.   

Perdre un être cher est une violence terrible. Et encore une fois, je sais de quoi je parle, mon père,  Ovila , avait à peine 56 ans quand il est décédé. Je revois encore mon oncle Maurice, le frère et  parrain de ma mère venu à l’hôpital de Chicoutimi pour accompagner Madeleine dans son deuil.  Il m’avait dit:” Ton père est mort bien jeune.” J’avais 20 ans, et mon père,   je le trouvais plutôt vieux.  Mais aujourd’hui, à 57 ans,  je sais bien que Café, tout comme mon père, est  mort trop vite.  
     
Mort avant la fin de sa vie.    
 
Amen. 

jeudi 21 décembre 2017

Conte de Noël: La bête invincible.

La bête invincible 
La plupart des contes de Noël sont faux. 
Archi-faux! 

Ce sont des sornettes qu'on raconte aux enfants pour les impressionner. Mais ce que vous allez lire aujourd'hui est vrai. Archi-vrai. Tellement vrai que les journaux en ont parlé pendant tout l'été, l'automne et l'hiver de 1926. 

Calepin probable de  Jean-Charles Albert Bouchard.


" Je suis maintenant un très vieux monsieur et cette histoire m'est arrivé alors que j'avais 26 ans. J'étais à ce moment-là marié depuis  5 ans et père d'un garçon de 16 mois. Mon épouse Marie Lapointe avait fait trois fausse couches, puis était venu Ovila. Cet enfant est un survivant.  1926, l'année où ma femme est tombée malade. Un mal mystérieux la clouait au lit tant elle peinait à respirer. Je cherchais des signes venant de Dieu; comment était-ce possible qu'un enfant voit dépérir sa mère avant même d'être conscient de sa propre existence ?  



Calepin
C'était en 1926. Je me souviens  de tout. Je n'ai jamais raconté de vive voix cette histoire. Je l'ai écrite ici dans ce cahier pour que quelqu'un la trouve. Quand j'ai commencé à l'écrire, je tremblais tellement que j'ai dû arracher trois fois la première page et recommencer. J'ai 76 ans, et je sais très bien que je ne vais pas tourner  encore beaucoup de pages du calendrier. J'espère que ceux qui retrouveront mes calepins croiront mon histoire. En tout cas de l'écrire, va m'aider à pouvoir partir en paix.


À l'été de 1926 , en plein coeur de juillet, alors que j'étais un jeune marié, le rang Saint-Pierre où j'étais quelques mois par année, cultivateur, fut témoin d'une histoire fort impressionnante. Dans ce temps-là, se voisiner avait un sens étrange, on pouvait passer une semaine sans voir personne, et si on manquait la messe, on pouvait être encore plus longtemps sans voir âme qui vive.  Au village, il y avait un docteur qui passait une fois par semaine dans le rang Saint-Joseph et qui piquait parfois une descente jusqu'au rang Saint-Pierre. Le voisinage était rare. Le téléphone était affaire de richesse et le courrier entrait si on allait le chercher. Pendant l'hiver, tout de suite après les Fêtes, chacun s'enfermait dans son coin, espérant que le printemps revienne avant que d'avoir besoin du médecin. Le vent et le froid glacial étaient les plus fidèles visiteurs.


L'isolement était tel qu'il n'était pas rare d'apprendre au printemps  que telle vieille personne n'avait pas passé l'hiver. 



Soc. Historique du Saguenay
La chose dont je veux vous parler a commencé un samedi  de juillet. Un cultivateur voisin est venu me chercher pour l'accompagner dans la vallée parce qu'une de ses vaches avaient été attaquée et était morte. Il avait retrouvé la bête en plein champ, il y avait tellement de mouches autour du bovin que de loin un gros nuage noir semblait indiquer la position du cadavre. Il ne restait plus grand chose. Il était évident que l'attaque avait été rapide et que le loup, c'est ce qu 'on supposait, était affamé. Des attaques en hiver, à la fin de l'automne et même au printemps  n'avaient jamais étonné les habitants, mais au milieu de l'été, en juillet, alors que la forêt est luxuriante, que les  proies sont nombreuses, voilà qui n'était pas sans mériter beaucoup d'attention de la part des voisins, fussent-ils rares. 




La Presse, 3 août 1926.


Le carnage continua. Chacun perdait des bêtes. Et des belles. Alors qu'un groupe croyait avoir vu la bête à Bon-Désir, un autre groupe la signalait au même  moment,  au-delà des terres de  Joseph Lessard qui accotaient la montagne au nord du rang Saint-Joseph. Quand des cultivateurs de Sacré-Coeur rapportèrent qu'ils interdisaient à leurs enfants de monter dans les brûlés pour les bleuets, la panique s'installa. Cette bête avait-elle donc don d'ubiquité? C'est le mot que le curé laissa échapper au magasin tout blanc de Louis Brisson. Je n'avais jamais entendu ce mot, mais je savais ce qu'il voulait dire. Il y a des évidences qui n'ont pas besoin du secours de l'instruction. C'est soit Dieu, soit Diable. Même que la grosse balance en fonte de l'épicier me semblait pencher du côté du mal. Ce qui arrive souvent car dans l'imaginaire le mal est souvent sur les talons du bien.                                                              
 ***
L'été favorisant les déplacements, le désastre fit vite le tour des rangs. Pour les plus âgés des propriétaires, réunis à chouenner sur le parvis de l'église le dimanche matin suivant, l'affaire était close, il s'agissait d'un malheureux incident. Les attaques d'été étaient rares et cela ne se reproduirait pas. Le curé aussi avait été formel. La paroisse était sous la protection de Marie et rien de plus ne pouvait arriver.
Mais ce ne fut pas le cas. Le lundi matin, une autre bête morte fut signalée. Les hommes se réunirent donc sous le patronage du curé pour organiser une battue. On ne pouvait en définitive laisser être brisé, le travail des cultivateurs et être gaspillé, la nourriture des villageois.  

Le curé n'eut pas à dire grand chose. Un homme suggéra qu'on  survole les rangs et localise la bête. Le curé ne voulut inquiéter personne, mais il savait qu'on n'avait pas affaire à un animal normal. Il répondit simplement : "L'aéronef, c'est pour les malades." 

Le ton du curé ne tolérait aucune riposte. Pas de passe-droit, même  le bedeau pour qui le curé était un père, se tut. 


***
Dans l'après-midi de la Toussaint, on su qu'un chasseur avait atteint la bête. Il avait bien tenté de suivre les traces laissées par le sang dans les bois, mais ce fut peine perdue, la bête s'était éclipsée à la hauteur de la Chute à Bas-de-Soie. 



" Bête invincible, tant qu'on voudra, il faut la tuer. La détruire. L'enterrer. Tout oublier de ce que l'été et l'automne nous a transmis comme peur. Les enfants peuvent pu sortir sans avoir peur. Le docteur se déplace de jour seulement. Pis à force d'avoir peur de descendre dans le rang, les gens du village vont finir par oublier qu'on existe. "

C'est comme ça que mon père, le vieux Barnabé Bouchard, voyait la chose. Comme un isolement obligé. Comme une trappe dans laquelle la bête mystérieuse avait fini par enfermer les gens des rangs. Avec l'hiver qui se pointait le bout du nez, les commérages au sujet des loups-garous s'intensifièrent et vinrent hanter  la table familiale  sur l'heure du souper, de plus  l'impossibilité de tuer la bête invincible n'aidait en rien les mères de famille à orienter autrement les  conversations déjà embrunies par les lampes aux flammes chevrotantes.

Beaucoup n'aimait pas non plus les prêches du curé. Si bien que les plus à plaindre, les gens des rangs, cessèrent de fréquenter l'église. On aurait dit que le curé insistait pour que la bête ne soit pas chassée. Il trouvait toujours quelque chose à redire sur les dangers des armes à feu, sur l'inutilité des battues qui pourraient finir par se faire perdre un jeune homme moins habitués au bois; il proposait plutôt l'utilisation de pièges, des poisons... Vraiment de quoi se mêlait-il?
 

Une semaine avant Noël, je me suis armé de mon courage et de mes raquettes et j'ai suivi la vallée qui tenait la rivière Bas-de-Soie dans le creux de sa main et j'ai fini par aboutir dans le bassin, pas loin du presbytère. Je craignais que le curé ne me mette à la porte sans m'écouter étant donné mon jeune âge. Il m'écouta. 

-Monsieur le curé malgré le respect que j'ai pour vous, je comprends mal votre hésitation à bénir les meilleurs chasseurs du village...

-J'ai mes raisons. Des raisons que je n'ai pas à expliquer. 

-Monsieur le curé, on dit dans le village mais surtout dans les rangs que vous êtes... (j'ai hésité, j'avais la gorge sèche) un loup-garou. 
    
Je croyais vraiment que là, j'aurais qu'à rechausser  mes raquettes  et à  remonter au rang Saint-Pierre. Le gros curé m'a regardé d'un oeil colérique puis instamment il s'est mis à rire. Un rire narquois. 


-Jean-Charles! Vous êtes  plus intelligent que ça. Un loup-garou! Pensez-vous  que je me lève la nuit pour manger vos moutons et tuer vos vaches? Non, je vous le  dis que j'ai mes raisons de calmer le jeu, je connais mes paroissiens. Pis d'abord j'aime mieux qu'ils se fassent des accroires que de les voir se perdre en forêt ou se blesser en accueillant une balle perdue! 

Dans le journal, il était écrit "une bête mystérieuse, invincible". Je lui fis remarquer. Il me parla en bien des journalistes comme seul un curé pouvait le faire en les affublant du nom d'affabulateur. 

-L'article est signé : de notre correspondant! Je voudrais bien lui voir la face à cet inventeur d'histoire ...

Selon moi, le curé mentait.


***
Avec le froid qui s'était installé et la neige qui avait suivi , les bêtes étaient plus souvent à l'abri. Et depuis ma visite chez le curé , effet du hasard croyais-je, les choses s'étaient arrangées. On ne pensait presque plus à cette bête. L'hiver avait étendu sa carapace et protégeait les environs.   

À la messe de Minuit, l'église était remplie, la nef, le jubé, le choeur. Les quelques rancoeurs qu'avait fait naître la bête mystérieuse étaient choses du passé, le curé avait repris sa place de confesseur et de  conseiller  auprès de ses fidèles. Malgré ce calme  relatif, j'allais découvrir dans l'heure qui suivrait le Minuit chrétien entonné par madame Wilbrod Larouche, que le curé connaissait la bête invincible. 
Le Progrès du Saguenay

***
Immédiatement après la messe au lieu que d'aller atteler mon Saphir, j'étais allé directement au presbytère. Le curé ne sembla pas surpris de ma visite. J'eus l'impression qu'il m'attendait.   
Au rang Saint-Pierre


- Vous êtes encore venu me confronter, Jean-Charles, me lança le curé.   

Comme la vague ramasse le varech sur la plage et l'entraîne au large, les mots du prêtre m'avait noyé. J'avais peine à respirer, ce que j'avais vu pendant le Minuit chrétien me paraissait si invraisemblable et voilà que le sourire obséquieux qu'affichait le prêtre, me confirmait que je ne m'étais pas trompé. 

-Au moment où vous avez tendu le cou vers le jubé, j'ai compris que vous connaissiez la bête invincible. 

En guise de réponse, le curé laissa ses doigts courir sur la cicatrice qui le brûlait au cou.


- Jean-Charles, je vous dois la vérité, dit le curé. 

Ses lèvres tremblaient, il avait jeté son regard au sol et il n'affichait  plus sa contenance habituelle.

J'ai reçu la visite de Dieu, continua-t-il, fébrile. Je ne l'ai pas reconnu. Je sais que vous n'êtes pas obligé de me croire Jean-Charles, mais c'est la stricte vérité. Si j'ai insisté pour que les hommes ne chassent pas dans les forêts, c'est que j'avais peur qu'on ne tue le peu de Dieu qui subsiste encore en moi. L'été dernier, j'ai refusé la sépulture à un de nos citoyens. Il était protestant. Je croyais bien faire. Je n'ai pas reconnu l'Homme, je n'ai pas vu plus loin que mes maudits principes. Je me suis condamné par ma seule faute,  Jean-Charles! 


Le curé s'affala par terre et se mit à geindre. Comme un animal.  

-Jusqu'ici je n'ai bu le sang que de quelques bêtes, ajouta le curé, entre deux soubresauts commandés par un accablement indicible, j'ai résisté à l'appel de la chair humaine, il restait en moi un peu de la foi divine, et le jour où je fus blessé près des chutes de Bas-de-Soie, le sang qui a coulé du corps de la bête m'a délivré de ce mauvais sort. 

Il releva la tête. Ses yeux noyés dans les larmes, ses joues rougies, ses cheveux hirsutes, tout ce portrait bien contraire à mon curé, me fit reculer d'un pas.  

Vous voilà rassuré Jean-Charles, je suis guéri...affirma-t-il.  

Je pris congé me dirigeant de mon propre chef dans le couloir menant à la porte et je pus apercevoir  avant que de sortir , le curé qui passait devant le miroir posé au-dessus de l'évier. Un miroir qui ne lui rendait pas son  reflet...  


André Morency, peintre
Laissant conduire mon fidèle Saphir, j'ai longtemps  regardé le ciel et pour la première fois de ma vie , je n'ai rien ressenti devant l'immensité noire trouée de lumières scintillantes qui s'offrait à mon regard, je ne ressentis rien non plus en entrant à la maison du rang Saint-pierre , je savais maintenant que plus jamais la chaleur de ce foyer ne viendrait calmer mon esprit. À partir de ce soir-là et pendant les 18 mois qui suivirent, j'acceptai de voir partir peu à peu mon épouse Marie, et je ne regrettai jamais de n'avoir rien demander au ciel en échange de sa guérison. 

Sachant que le mal  est souvent sur les talons du bien,  je   ne suis jamais retourné à l'église, mais je n'étais pas un impie. 

Dieu me pardonne. 

FIN


vendredi 15 décembre 2017

Léonidas Tremblay , le nationaliste.



Léonidas Tremblay à Elzéar  ,

 Rhétorique 1902, Collège de Chicoutimi

Source: Soc.Historique du Saguenay


1. Les anti-impérialistes 




La Presse, le 7 mars 1910.



Mise en contexte: 

      12 janvier 1910


  • À Ottawa, le premier ministre canadien Wilfrid Laurier dépose une loi sur la marine prévoyant la construction de 11 navires de guerre dont le coût est évalué entre 11 et 15 millions $. Ces navires doivent servir en Angleterre (R.U.) en cas de guerre contre l'Allemagne.
  • 17 juillet 1910
  • 10,000 personnes se réunissent à Saint-Eustache demandant le rappel de la loi sur la marine. Henri Bourassa y voit un assujettissement des Canadiens -français à la Couronne britannique .

20 octobre 1910 

- 20,000 personnes manifestent contre la loi sur la marine à Montréal.

 Selon les nationalistes cette loi est impérialiste et porte atteinte à leur dignité. 

Les discours sont enflammés! 

La Presse , le  18 juillet 1910.


Les Canadiens-français sont très réfractaires à  servir sous le drapeau anglais. Contrairement aux anglophones, ils souhaiteraient que le Canada se comporte comme un pays indépendant et cesse de subir l'impérialisme du Royaume-Uni. Le Service naval du Canada eut été mieux accepté, s'il eut été destiné à la défense unique du pays. 

Certes, la Marine Royale canadienne  prendra la relève de  la Royal Navy basée à Halifax, laquelle protège les eaux canadiennes, territoire de pêche souvent convoité par nos voisins américains, mais pour les nationalistes dont Henri Bourassa est le plus ardent combattant ,les navires sont aussi destinés à équilibrer les forces entre l'Allemagne et la Grande-Bretagne, ce qui implique une probable participation à des conflits  européen auxquels ils ne souhaitent aucunement participer. 

L'appel au peuple du rhétoricien Léonidas Tremblay s'inscrit dans un  vaste mouvement de contestation.

dimanche 3 décembre 2017

Sketch inédit 1987: Le Barbier




Avec Robert Bouchard (Barbier) ,Yvan Brisson ( un client) .Caméraman : Pierre Brisson. 
Mars 1987. 

Cette saynète n'a jamais connu la scène, mais avec quelques retouches, elle aurait pu brûler les planches ! Le Barbier me pardonnera quelques sacres en trop, lui que je n'ai jamais entendu manquer de respect ... Son bégaiement est également exagéré. Son calage de bière  est ...pas exagéré!  C'est une caricature où on retrouve l'entrain de Roger comme organisateur, son sens des affaires et sa joie de vivre .  

****

Je me suis beaucoup amusé dans ma vie à caricaturer les "personnages" du village. J'ai aussi encouragé tous les jeunes du village à faire de même. La  troupe des Arthur qui a sévi quelques années a monté sur scène  bien des Bergeronnais qui ne souhaitaient pas toujours s'y retrouver! 

Je me souviens entre autre de Denis Petit en Blaise Larouche , de Serge Lessard en Viateur Savard, de Pierre Petit en Guy Tremblay...  D' Évelyne Guay en ma tante Germaine. De Guy Anctil en Claude Girard et de Réjean Bélanger en Jacques Gagnon alors qu'on avait bergeronnalisé l'attentat contre le président Reagan en 81  . De Joris Gravel en Liguori Otis dans une parodie de La chasse au trésor avec Phillipe de Dieuleveult (? ) .  

  Nous avons refait les jaseries du  magasin chez Marc et de l'épicerie chez Laurent, les party de clams du garage à Ti-Rock , tout cela pour amuser les Bergeronnais . Parfois les gens  reprochaient aux Arthur d'être trop cyniques , trop durs ou trop baveux...  En revanche,  tous nos accusateurs étaient coupables d'avoir ri! 

Chose certaine, le plaisir que nous avons eu à jouer les Bergeronnais et d'autres personnages plus obscurs et moins connus  comme le pape Jean-Paul 2 (Luc Anctil)  ou Hulk (Guy Simard)  , restera toujours sans aucun regret.  Quel plaisir ce fut de vous entendre rire. 



dimanche 26 novembre 2017

Bélanger: Nominé joueur de l'année JUNIOR B au Québec

J'ai souvenir d'un entraînement au baseball,  je devais être d'âge Mosquito (11 ans)   et je portais fièrement l'équipement bleu et or orné d'un gros B que fournissait gracieusement la ligue locale. André Bélanger, que je connaissais parce qu'il était le meilleur hockeyeur Bantam de la région , et aussi parce que dans un village tout le monde connaît tout le monde, -André donc s'était mis dans la tête de me montrer à bloquer une balle à l'arrêt-court. 
Mars 1972

Je devais plier la jambe , placer mon genoux par terre et faire écran avec mon gant. Mon corps servait ainsi de barrage à la balle que frappait André à partir du marbre . Disons que ce ne fut pas un succès. D'ailleurs, je me demandais bien ce que je foutais ce matin-là sur le terrain graveleux situé juste devant mon école primaire. Mon frère Mario qui excellait dans tous les sports, me poussait toujours à participer à ces camps de début de saison . J'aurais de loin préféré regarder Yogi l'ours à la télé plutôt que de fixer une balle et de me démancher le bras pour la rendre au premier but avant que le coureur ne touche le coussin. Mais ma mère insistait pour que je prenne l'air ! 

Pour pallier à mes manques, Bélanger m'avait conseillé de jouer avec une balle de tennis que je lancerais contre le mur de la maison familiale afin d'aiguiser mes réflexes. Ce que je ne fis jamais. J'étais aussi à l'aise sur un losange qu'une fourmi peut l'être sur un étang gelé. 

Voilà pour l'anecdote . Laquelle me fait dire qu'un sportif ne peut en aucun cas comprendre que sa  passion  n'est pas toujours transmissible. C'est pareil pour les passions artistiques. 


"Toute une équipe !"  de dire Roger Gagnon . (coll. Barbier.)

Le sport , le  hockey en particulier, est chez les Bélanger, un art. Réjean comme André son frère, avait cette facilité à manier la rondelle, lire le jeu, et enfiler des rondelles derrière le gardien. Pourquoi était-ce ainsi ? Bagage génétique ? Habitude ? Patience à l'apprentissage ? Même, leur mère,  madame Rosianne (Gagnon), était une fanatique du hockey. Avait-elle attrapé cette maladie de par ses frères Bruno, Marc, Jacques, Claude, Fernand, Rosaire  ou Raymond ? Pas de réponse.🔉😉 Combien de fois ai-je vu André, Réjean et quelques voisins de la rue de la Mer,  jouer à la balle ou au hockey sur le terrain adjacent au bureau de poste? Assez souvent pour que cette image se soit imposée dans mes souvenirs vieux de plus de  40 ans.  

L'Oeil Régional, Vallée du Richelieu, 20 avril 1977
En 1977, André qui évoluait avec les Chevalier de Forestville dans la ligue Junior B Côte-Nord  fut choisi comme candidat aspirant au titre de meilleur joueur junior du Québec. Titre qu'il n'obtint pas. Je vous jure que si j'avais été son "avocat", ce titre lui aurait été décerné. Drummondville où se tenait le Championnat  provincial  n'aurait pas résister à mon dossier!🙌 ;) 

Le courrier de Saint-Hyacinthe , 27 avril 1977


















FB Famille Bélanger-Deschênes









Tout cela pour dire que ce Bélanger était pour les jeunes de notre génération,   un sportif inspirant et qu'aujourd'hui encore, il mérite le titre de meilleur . Meilleur père, meilleur frère, meilleur conjoint, meilleur coéquipier,  meilleur ami, meilleur collègue de travail, meilleur meilleur. Choisissez, l'éventail est largement ouvert. 🏅Un mot : gentilhomme.












jeudi 23 novembre 2017

Témoin de l'histoire et inventeur...

René Otis est le fils de François Otis , il est né le 20 décembre 1896 à Bergeronnes et est décédé à Arvida le 18 janvier 1975. Marié à 17 ans à Roselda (Azilda)  Emond de Chicoutimi , ces deux amoureux eurent 16 enfants , en plus d'en adopter un dix-septième!










Banq




vendredi 17 novembre 2017

Pierre Laporte et les demi-prisons entre Bergeronnes et Forestville


Avant que d’être un pont et un ministre , avant que de perdre la vie de façon tragique pendant les événements d’octobre 70,  Pierre Laporte, avocat,  fut  journaliste et chroniqueur - 

"Pierre Laporte reste un homme mal connu. Audacieux journaliste, il s'est distingué dans sa démarche d'enquête, particulièrement dans ses éditoriaux au Devoir et ses Lettres de Québec. Il était un farouche opposant de Duplessis. Il fut un excellent journaliste."- Éd. Le Septentrion-

 Duplesssis déclarait en 1954, suite aux demandes pressantes des citoyens    pour parachever la route Tadoussac -Chicoutimi:

" On ne construit pas de route où il n'y a pas de monde..."

Suite à cette boutade, le Saguenay-Lac-Saint-Jean,le  préfet du conseil de comté, Laurent Brisson, et la Chambre de commerces du comté sont montés aux barricades et ont présenté un mémoire pour débloquer la région. De là , l'intervention de Pierre Laporte , alors journaliste vedette au Devoir et ennemi juré de Duplessis.




La politique provinciale 

Le Saguenay  en a assez de ses trois murs infranchissables .

par Pierre LAPORTE (Le Devoir )-- 13 avril 1955


La population de la Côte-Nord croit que la "deuxième partie du siècle actuel sera celle du Saguenay". Et elle se demande pourquoi "on ne prend pas les moyens de libérer les gens de l'atroce délaissement dans lequel ils se trouvent depuis tant d' années".


Le problème se résume facilement: la route Baie-Comeau Québec est bloquée par la rivière Bersimis et par le Saguenay Au premier endroit il serait possible de construire un pont. Mais sur le Saguenay, rien à faire; il est trop profond et les courants sont trop violents. I! faut s’en remettre au traversier.Lequel est à la merci de la brume, du vent.- des glaces. Pour résoudre la difficulté il n’y a qu’un moyen, passer ailleurs, construire une route vers Chicoultmi. Cette route est commencée. Il ne reste qu’un tronçon de 28 milles à construire Mais rien ne bouge. Et le Saguenay reste coincé entre la montagne, le fleuve et la rivière! 

Dans un mémoire qu’il vient de préparer sur le sujet, le Conseil du comté de Saguenay déclare que cet isolement nuit au bien-être des 45.000 citoyens du comté, et qu’il retarde le développement de la région.


Des* exemples*

  On n’en finirait plus d’écrire tout, ce qu’on raconte sur ces demi-prisons que sont Tadoussac, Forestville, les Grandes-Bergeronnes ou Sacré-Coeur. Cet hiver des gens ont eu affaire à Québec Normalement le voyage ne doit prendre que trois jours. Mais il en a fallu dix jours pour le compléter, car le traversier ayant été immobilisé par la brume, puis par les glaces qui s’étaient entassées au confluent du Saint-Laurent et  du Saguenay. Des femmes malades ont dû être transportées à Québec en avion. Dépense considérable pour une population qui n’est pas riche.

 Le transport lourd est à peu près impossible dans le comté de Saguenay. Il doit entrer via le traversier entre Baie-Ste-Catherine et Tadoussac. Mais le bateau-passeur n’est pas équipé; pour le matériel lourd, il faut démonter les pièces trop lourde*... ou renoncer tout simplement à les transporter…


Trêve de lyrisme


Depuis quelques années la population du Québec entend parler des progrès fantastiques de la côte Nord. Le premier ministre surtout nous en sert plein les oreilles. Mais les gens du Saguenay voient les choses avec plus de réalisme. Dans leur mémoire ils disent: “45900 Saguenéens (NDLR : Nord-Côtiers)  et plus tirent de leur cœur, le courage de bâtir, sur une terre séparée du reste de la province par le Saint-Laurent, le Saguenay et les Laurentides, un royaume industriel. On vante les richesses qui viendront de leur Saguenay, on parle de leurs pouvoirs électriques, de leurs mines, des belles vacances en perspective dans un endroit aussi poissonneux, tandis que sur les lieux mêmes, les groupements de citoyens parlent de la vie réelle de leur vie entre trois murs infranchissables, de leur délaissement pendant la saison d’hiver, de leur précaire situation économique.”


Pas de faveurs

Depuis plusieurs années les Saguenéens ont voyagé sur des promesses. Leur mémoire, adressé à M. Duplessis, le rappelle en termes mesurés :
 “Depuis quelques années, dit-il, la question de la route Ste-Rose-Sacré Coeur est discutée par différents organismes sociaux des régions de Chicoutimi et Saguenay. Des délégations sont allées vous rencontrer à Québec, des mémoires vous ont été soumis et depuis, des milliers de gens attendent avec désir la réponse favorable à la réalisation de ce projet de route qu’ils désirent tellement .. Pourtant ce tronçon de route qui manque (28 milles) ne doit pas leur arriver comme une chance, mais comme réponse à des besoins essentiels et pressants.” 



dimanche 5 novembre 2017

Comment l'amour vint à Gérard Lessard à Joseph

Gérard Lessard et Marie-Mance Champagne
Le mot " représailles" et le petit r roulé   lancés par madame  Gérard Lessard , m'avaient vraiment impressionné. J'avais la certitude  d'avoir entendu une langue étrangère s'élever au-dessus de tous les babillages prononcés autour de la table de cuisine. C'était vers 1971  , quelques employées du foyer Mgr Gendron s'étaient réunies  à la maison familiale pour parler des conditions de travail qu'elles souhaitaient voir s'améliorer. Ma soeur Lynda, nouvellement diplômée en soins infirmiers, avait gracieusement offert le local de réunion... 


Après le départ de ces revendicatrices, j'avais demandé à ma mère d'où venait madame Gérard Lessard. À cette époque, toutes les femmes d'un certain âge  portaient le nom de leur époux. Souvenez vous : madame Charles-Edmond Lessard, madame Laurent Bouchard,,madame Ovila  Bouchard, madame Patrick Gauthier, madame Camille Boulianne , madame Toussaint Larouche, madame Philias Savard, madame Victorien Maltais  ... C'était ainsi.  



Ma mère m'apprit donc que cette dame portait le nom de Marie-Mance Champagne et qu'elle avait été éduquée par les religieuses.  D'où cette accentuation portée sur les r et ce langage châtié. Là, s'arrêta ma curiosité. De toute façon ma mère n'en savait pas plus. 




Les mémoires de Gérard Guay, colligés par son neveu Pierre-Julien Guay à Marcel  à Victor, ajoutent aujourd'hui à nos connaissances.  


Extrait 


"En avril 1940, le contracteur Éthier ne veut plus avancer de l'argent pour que les colons (de Colombier)  se procurent des marchandises. À l'assemblée coopérative, il est décidé que j'irai avec Omer Boudreault à Québec en m'embarquant sur le Bergeronnes Trader, une goélette de 75 tonneaux, pour essayer d'obtenir des avances. Nous visitons A. Simak qui avait l'habitude d'acheter du bois à Bergeronnes et Escoumins.
 Nous n'avons aucun trouble pour obtenir 5000$ et nous embarquons des provisions pour ce montant. 

Au couvent de Saint-Laurent de l'île d'Orléans, Marie-Alice avait connu sœur Sainte-Laure. Comme elle allait avoir un autre bébé, elle lui avait demandé d'essayer de lui trouver une orpheline assez grande pour l'aider un peu dans la maison. Après que nous avons fini nos affaires, j'appelle sœur Sainte-Laure et, dans l'après-midi, je vais au couvent où l'on me présente Marie-Mance Champagne de l'orphelinat de Rivière-du-Loup qui a accepté la proposition et qui veut bien venir avec moi pour essayer si on peut, elle nous rendre service et nous, lui servir de foyer. 


En descendant, la goélette s'arrête à Bergeronnes pour débarquer des marchandises. J'en profite pour visiter mes parents et ma famille et Marie-Mance m'accompagne. Nous rembarquons le soir même et le 8 mai, nous sommes à Sainte-Thérèse. Marie-Alice accouche cette même nuit de France et, pour faire plaisir à Marie-Mance, nous lui donnons aussi le nom de Ghislaine, sa sœur aînée."



Puisque la coopérative forestière et agricole de Colombier n'arrive pas à payer le salaire de son secrétaire ,  Gérard Guay et son épouse Marie-Alice Gauthier  seront de retour aux Bergeronnes avec leurs enfants , au printemps de 1941 . Marie-Mance Champagne qui fait toujours figure d'aidante familiale dans la famille de monsieur Guay, rencontrera Gérard Lessard, fils de Joseph ... et à la suite des hasards de la vie, vinrent:  Berthe, Jacqueline, Jacques, Betrand, Elizabeth, France, Francis et Serge . Une belle continuité pour la famille Lessard , au grand bonheur de madame Joséphine.   



Merci spécial à Carol Guay à Adrien à Victor, un ancien Bergeronnais  à la mémoire imparable.

Un événement qui ne fut pas sans bouleverser la vie des Lessard  (le Soleil, 12 mai 1983) 








jeudi 26 octobre 2017

Il y a 108 ans aux TGB

Journal L'Action Sociale 23-01-1909


Assez impressionnant : 337  baptêmes. 

Une banque au village: effectivement, mon oncle Alphonse n'arrivera que le 24 septembre 1933.

Qui est ce jeune jeune Gauthier ? 

Les Bouchard se remplacent à la Fabrique de la paroisse. De deux souches différentes, mais Bouchard quand même.  Alexis Bouchard , le grand-père de Léo , Suzette et Gaston. François Bouchard , le grand-père de Welleston , Marius... (Je compléterai avec plaisir).



vendredi 29 septembre 2017

Monsieur transmission.

Raymond en compagnie de Michel Imbeault et de Claire Morin , sa belle-soeur .
 Il était allé donné un coup de coeur et de  clé à molette  au Camping.
Pour descendre dans le sous-sol chez les Brassard , il fallait ouvrir une porte sous-dimensionnée et angulée, une porte  toute blanche qui était située près de l'entrée du salon. Un regard rapide de ce coté laissait voir un piano que j'associerai pour toujours à Louis Amstrong et à When the Saints go Marching in . 

 Une fois la porte tirée vers soi, apparaissait un escalier de bois sans contre-marches et   un peu trop  pentue; cet escalier était tout à fait pareil à ceux de tous les films d'horreur qui  passaient à la télé. À cette époque , on considérait un film de Dracula comme de l'horreur !   Et dans ce sous-sol , il se passait des choses que je n'aurais jamais voulu vous décrire.

Un homme vidait de son fluide sa victime, l'établi sur lequel il se livrait à son rituel, était marqué en son centre par une dénivellation, le comptoir ayant été construit de façon à ce que le rouge liquide récupéré coule sur la tôle finement pliée comme  un entonnoir;   puis, avec une précision un peu maniaque , il étalait ensuite  sur son établi les engrenages qu'il avait retirés du ventre de la victime qu'on lui avait confiée.Il pouvait ainsi soir après soir se livrer à un ballet mystérieux dont il connaissait par coeur chaque geste. Monsieur Transmission... 

En m'approchant de l'établi de monsieur Brassard, je pénétrais dans un monde qui m'était tout à fait inconnu. Pas de mécanique dans ma famille. Pas de moteur à réparer.Ici tout est rouge, noir ,bleu , chez nous, tout est  blanc-lait ! ANECDOTE:  Almanzar le père des Brassard,  est passé de forgeron à mécanicien  , puis poussé par l'industrie naissante du Saguenay , il a même inventé une scie à métaux mécanique.À l'Alcan par exemple ou à la scierie Dubuc, on donnait une récompense de 10 à 25 $ à ces travailleurs qu'on appelait des suggesteurs. La pomme ne tombe jamais loin de l'arbre.

Monsieur Brassard avait une voix éteinte, à jamais enrouée comme celle de René Lévesque à son retour de la guerre, mais cette voix ne faisait pas de discours, monsieur Brassard n'était pas un bavard.

Almanzard Brassard (père) Forgeron 
Il me saluait et me demandait si je cherchais Denis, son fils. Je disais que oui, et je restais planté là, à attendre. Je  voulais juste  voir ses doigts agiles engager tous ces rouages dans  le coeur de la machine. Denis finissait par arriver... et nous sortions par la trop basse porte du sous-sol.
Raymond Brassard 1933-1992

Monsieur Raymond - tout comme madame Colette (Morin) - était toujours plein d'égards à mon endroit. Et ce, malgré que souvent j'arrivais chez les Brassard sans m'annoncer.

 Je me rappellerai toujours  de cette soirée où sa famille était réunie chez sa belle-soeur à Bon-Désir . Je n'habitais plus Bergeronnes, et à chaque fois que j'en avais l'occasion, je visitais Denis.   Comme d'habitude , monsieur Brassard m'avait reçu en lançant mon nom de sa voix éteinte: Robert !  Il aimait me faire rire , il savait que j'aimais rigoler. Il était amaigri et son timbre de voix avait perdu un peu de sa grippe qui faisait des D et des R, des lettres assourdies. À mon grand regret, ce fut la dernière fois qu'il eut à m'accueillir.


Colette Morin 1939 -2022



Raymond Brassard était un père  magnanime. ANECDOTE:  Un soir d'été doux et sans vent, comme Bergeronnes pouvait parfois nous en donner  , Denis et moi et quelques autres j'imagine, sommes à prendre une bière sur le terrain de tennis de monsieur Welleston - bières que nous avions fort probablement "empruntées" à Ovila ou à Raymond - ; les lumières sont éteintes , il fait noir, et un peu enivrés nous profitions du juillet de nos 15 ans... On entend claquer la porte , on  entend des pas sur la galerie  , on distingue une ombre, c'est monsieur Raymond . Il demande , en sachant  très bien  qu'il recevra en guise de réponse, un mensonge adolescent: "

-Qu'est-ce que vous faites , Denis, là ? "


Marguerite Boulianne (mère) 
-On joue au tennis.

C'est le mensonge le plus maladroit que j'aie entendu dans toute ma vie. On joue au tennis à la noirceur et sans raquettes !

Quand un homme sait démonter et remonter une transmission avec autant de doigté, il sait ce qu'est la patience ...et en use intelligemment

-Rentrez pas trop tard, dit-il simplement.

 Et la bière terminée , nous sommes repartis chacun de notre côté. Un peu ivres de ce chaud samedi  et  fiers que nos petites délinquances estivales soient ignorées volontairement  par nos parents...

Ce que je retiens de cet homme et que je n'oublierai jamais, c'est son coté consciencieux, il était incapable de ne pas bien faire,ce qui lui coûta sa santé. Combien de fois l'ai-je vu travailler après ses heures officielles de travail chez Ford ? Raymond Brassard était ,comme beaucoup de pères de  génération, il ne comptait pas ses heures...et il  aurait bien mérité de vivre un peu plus de sa retraite...

Mais la vie n'est pas ainsi faite. N'empêche qu'il a donné à Denis Carl, Manon et Nancy , le goût des choses bien faites.

Ce fut sa plus importante transmission.


19 juillet 1957 ,Le progrès du Golfe