Je fis la connaissance de monsieur René Simard, le cordonnier du village de Bergeronnes, que lorsqu'il fut devenu un vieillard. J'avais eu l'occasion de le voir sans le connaître en assistant mon père pendant la run de lait. Son épouse Vitaline me faisait la conversation , le temps que l'un ou l'autre vérifie au réfrigérateur les besoins du jour. Il était question de la santé de ma mère, de mes résultats scolaires et aussi de ma ressemblance avec mon oncle Rosaire qui était habile à manier l'alêne et qui parait-il, aurait pu devenir un fameux cordonnier. C'était là un échange poli comme j'en avais dans la plupart des maisons du village.
Le cordonnier faisait partie de la vie du village depuis 50 ans; les bottes de drave, les souliers à talon, les escarpins, les cuirs équestres et même les fermetures éclairs des sacs à main portaient chez les aînés, la touche magique de René Simard . Pour nous les jeunes, nés avec le prêt à porter , le soulier jetable et les modes passagères , monsieur Simard était une curiosité. Nos équipements de hockey restaient le seul lien tangible avec l'atelier du vieil homme.
C'est en 1974 -j'avais 12 ans- que je pénétrai pour la première fois dans son échoppe. Ce petit atelier était séparé de la maison par un couloir qui menait à la cuisine, une porte placée directement en face de la porte d'entrée veillait sur le labeur de l'artisan et étouffait les bruits de la boutique.
Le cordonnier faisait partie de la vie du village depuis 50 ans; les bottes de drave, les souliers à talon, les escarpins, les cuirs équestres et même les fermetures éclairs des sacs à main portaient chez les aînés, la touche magique de René Simard . Pour nous les jeunes, nés avec le prêt à porter , le soulier jetable et les modes passagères , monsieur Simard était une curiosité. Nos équipements de hockey restaient le seul lien tangible avec l'atelier du vieil homme.
C'est en 1974 -j'avais 12 ans- que je pénétrai pour la première fois dans son échoppe. Ce petit atelier était séparé de la maison par un couloir qui menait à la cuisine, une porte placée directement en face de la porte d'entrée veillait sur le labeur de l'artisan et étouffait les bruits de la boutique.
Ce jour, je tenais en mes main mes gants de hockeyeur, des pièces d'équipement de qualité qui portaient les couleurs du Canadien et qui présentaient, performance oblige, des paumes dont le cuir était rongé par la sueur.
Je les voulais pour quand m'avait-il demandé . J'aurais pu lui répondre "pour hier" qu'il n'en eut pas été plus étonné !
-Demain, dis-je. Je joue demain.
Je jouais à chaque fois que l'aréna était libre. Le congé des Fêtes était une pause pour le hockey mineur et junior et le temps de glace se multipliait. Nous étions des dizaines de jeunes à vouloir en profiter.
-Tu veux que ce soit bien fait.
Il s'arrêta une minute. Posa son regard myope au dessus de ses lunettes de cornes noires et me regarda sans trop lever la tête.
-Si tu les veux demain , je vais devoir briser la tradition.
Je n'eus pas à montrer mon ignorance au sujet de la tradition. Il continua.
-J'ai appris ce métier de ma grand-mère, qui elle-même en avait hérité ... Bien faire mon travail, c'est prendre le temps pour. Si je colle, demain ce sera prêt .
Je lui ai dit de coller. Ce n'était peut-être pas la solution la plus solide, mais c'était la plus rapide.
-Mon père va vous payer lorsqu'il viendra sur sa run.
***
Le lendemain, quand j'entrai dans l'atelier, monsieur René Simard me reçut avec bonhomie. Il était généreux avec tout le monde. Il n'hésitait-il pas à donner des conseils à qui voulait de lui-même tenter de réparer un harnais ou les sangle d'un sac d'école. Il était 15 heures trente et déjà les murs blancs de l'échoppe luisait d'une lumière jaune que diffusait une grosse ampoules qui habillait le plafond d'ombres aux formes indéfinissables.
Le cordonnier me posa les mêmes questions qui meublaient nos politesses quand je livrais le lait dans sa cuisine. Je lui refilai les mêmes réponses. Je sentais qu'il était un peu mal à l'aise parce qu'il n'écoutait pas vraiment .
Le cordonnier me posa les mêmes questions qui meublaient nos politesses quand je livrais le lait dans sa cuisine. Je lui refilai les mêmes réponses. Je sentais qu'il était un peu mal à l'aise parce qu'il n'écoutait pas vraiment .
-Hier, tu m'as dit que ton père me paierait pour le travail. Je ne t'ai posé aucune question. Je connais ton père, je sais à quelle heure son camion vert se stationne devant la maison. Et quand ton père est en retard, Vitaline prend le téléphone et appelle ta mère, Madeleine, pour se rassurer.
-Elle est inquiète ? interrogeai-je.
-On s'inquiète toujours des gens qui font bien leur travail. Si l'horaire de ton père est brisée, c'est que quelque chose est arrivée. C'est sa tradition.
Le vieil homme me faisait une pirouette à la Pagnol pour me dire que mes gants seraient réparés selon la tradition.
***
Deux jours plus tard, je revis mes gants .Une pièce de cuir habilement cousue et travaillée y suivait le tracé des doigts, du pouce et de la paume . Au revers, les gants gardaient la marque des coups de bâtons et des rondelles, témoins vivants des minutes passées sur la patinoire du Centre Civique.
J'avais du neuf rempli de vie ! La tradition.
J'avais du neuf rempli de vie ! La tradition.
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*Dorine Pednault mariée à François -Xavier Simard (Escoumins 2 mai 1861) , mère d'Évelyne Simard, était cordonnière et elle a enseigné son métier à son petit-fils René Simard.
La descendance de Michel PEDNOT
La descendance de Michel PEDNOT
https://www.genealogy.com/ftm/g/o/u/Pierre--Goulet/GENE3-0002.html