Instant de vie chez les Bouchard

Instant de vie chez les Bouchard
Claude Mattheau, 2014

mercredi 7 septembre 2016

Le coeur de Gaudreault et mon chien perdu.

Au printemps de 1969 , Paney , le caniche  de mon ami Jean-François à Welleston , donne naissance à quatre petits chiots noirs. 


Pour nous, les petits gars du crain , la maison de Garde Mailloux est un arrêt obligatoire avant de rentrer à la maison. Ainsi  la gestation  de Paney n'échappe à aucun de nous. Dans ma tête, il y a une course contre la montre qui commence : il faut coûte que coûte que j'adopte un des chiens qui viendra au monde  ! 


Tous les petits gars de la classe de troisième année de madame Diane Hervieux veulent un chien. Lors de la période de français, nous lisons le fameux livre intitulé: Le conte du chien perdu. Puisque la pédagogie me prête main forte,  signe du ciel indiscutable ,  j'arriverai à convaincre ma mère qu'un chien peut être un membre à part entière de la famille Bouchard !  


 Et si malgré mes bons arguments , ma mère ne voulait tout de même pas  d'un chien dans la maison ? Ce n'était là pour moi, qu'un détail. J'avais déjà  pensé à mon affaire: j'arriverais avec le petit chiot dans mes bras et je le laisserais sur la galerie. Mon petit frère Jean jouerait avec la petite boule noire et frisée et  je pourrais ainsi gagner le coeur de ma mère. 


Ce genre de stratégie fonctionnait très bien dans le monde de Walt Disney et aussi dans Quelle famille ! Sauf que ... dans les films de Disney quand le petit frère prend le chiot dans ses mains , celui-ci ne fait pas ses besoins sur son plus beau gilet... Mon scénario était fichu, je n'aurais de chien que celui de  l'image de mon manuel scolaire ! Sauf que...  le téléphone a sonné. Dans tous les bons film, le téléphone sonne. Deus ex machina !   Garde Mailloux qui était à l'autre bout du fil a expliqué à ma mère abasourdie que le chien que "nous" avions choisi devait rentrer au bercail pour encore quelques jours , le temps de terminer le sevrage...  Walt Disney peut aller se recoucher, je me charge de ma vie ! 

Mais que vient donc faire Gérard Gaudreault dans cette affaire ? 

***


 Gérard Gaudreault fut par son courage et sa ténacité,
  l'étoile de la partie d'hier contre Baie-Comeau.

Gérard Gaudreault n'a laissé de son passage aux TGB que de bons souvenirs. Ce petit joueur de hockey a ravi le coeur des Bergeronnais dès ses premières apparitions sur la patinoire. Il arrivait à point dans cette localité  où l'aréna ponctuait la vie des villageois... Comme en témoigne Jean Gauthier à Patrick , "Gaudreault soulevait la foule avec ses échappées et ses buts spectaculaires." Il réchauffait l'aréna. 


Mais comment un gars issu d'une famille de neuf enfants et né à Port-Cartier se retrouve-t-il à jouer au hockey au Centre Civique de  Bergeronnes ?


Gérard raconte:

"Marius Bouchard et Germaine Dufour opéraient  un restaurant à Port-Cartier et j'y ai rencontré Francine Bouchard (fille de Léda  Tremblay et Jean Charles Bouchard)  de Bergeronnes. C,est là que je suis tombé en amour. 


 C'est son demi-frère , Laurent Dufour qui m'a trouvé un contrat dans la ligue du Saguenay . J'ai réussi à casser mon contrat à Sept-Iles (Tigres de la ligue Intermédiaire A en 1966)   et je me suis retrouvé à jouer avec des gars comme Gérald Langelier , les frères Heins  , les frères  Michel, Blaise et Yves Larouche , les frères Jacques et Bruno Gagnon ...

J'ai habité deux ans aux Bergeronnes, j'ai   bien connu Arthur Simard , il était contremaître dans toutes les constructions,  j'ai aussi travaillé à conduire un bus pour les travailleurs forestiers... À l'aréna aussi ." 

 Michel Bouchard à Paul se souvient: Tout un joueur d'hockey , un travailleur, tout un top net à ce que je me souvienne ... Il travaillait à l'aréna et lui, il n'avait pas de préférence , il aimait tous les jeunes et cela sans distinction. Gaudreault était un vrai guerrier, un joueur naturel.  Même avec ses blessures au dos, il adorait son sport et a continué à aider  bien des jeunes même ceux qui n'avaient  pas beaucoup de talent !! ...Merci Gérard !!!


Gérard me raconte aussi des histoires plus personnelles: son fils qu'il  a perdu à l'âge de 37 ans à   cause d'un cancer du cerveau ; et cet accident aussi  qui le contraindra à  cesser de travailler aux Silos Port-Cartier, lieu de transbordement des céréales en provenance de l'Ouest, c'est là qu'il a gagné sa vie et celle de sa famille : deux extraordinaires filles et ce  gars parti trop tôt...  Au mitan de sa vie , un trouble de l'équilibre  l'oblige à abandonner son sport favori . Il a 38 ans... 

Il me parle aussi avec enthousiasme et avec une certaine fierté  des plages extraordinaires de son Port-Cartier natal et des bonheurs ordinaires qui aujourd'hui comblent sa vie. 


Gérard en ces temps bénis où les arénas étaient remplis à pleine capacité , a joué  pour les Mineurs de Sept-îles et aussi à Matane et à Rimouski (Feuille d'Érable).
" On transportait les joueurs en avion, parce qu'il fallait travailler le lundi matin. "


Ses  joueurs préférés :Serge Bernier qui évoluait contre lui dans l'équipe de Castor de Matane,  Alain Côté parce qu'il a joué à Matane et que l'autre y était . Maurice Richard, le Rocket, dont il portera autant que possible se peut,  le numéro 9 ; Gérald Langelier  qui patinait aussi vite de reculons que d'avant et qui aurait dû faire la LNH ... 

Langelier, fils de François,  a lui aussi jaugé ce talentueux coéquipier: "Brillant petit joueur, avec lui j`ai apprécié comment déplacer un gardien de but pour lui enfiler la rondelle entre les jambières..." Fait confirmé par l'entraîneur, Marcel Lessard.

  J'ai oublié de lui demander s'il croyait que le but d'Alain e Coté était bon ? Si vous connaissez Gaudreault ,vous avez la réponse...




Rangée 1 Marcel Lessard, Luc Gauthier, Roger Gagnon , AugustinBouchard (?), Jean-Marc Heins ?, Yves Larouche, Michel Larouche, Bruno Gagnon ,Gérard Gaudeault Rangée 2   Gérald Langelier,Jean Tremblay, Blaise Larouche, prénom? Imbeault , Jacques Gagnon, Odilon Heins, Daniel Heins





Quelques témoignages 

Luc Gauthier à Patrick 

J'ai arbitré pendant 24 années dans le secteur BEST et laisse-moi te dire que  Gaudreault, dans mon livre à moi, était tout un joueur de hockey. Il n'était pas grand mais il avait du cœur au ventre. Excellent dans les deux sens de la patinoire, rapide, intelligent, bonnes mains et gentilhomme par dessus tout !

Roger Gagnon à Héliodore
Bobby Orr  : une rencontre mémorable.
J'ai été entraîneur-gérant des clubs de Bergeronnes, j'ai jamais vu un joueur avec autant de talent  et de courage que Gérard,  il pouvait enfiler une rondelle dans un espaces impossible! Il était le meilleur de l'équipe. Il jouait souvent très blessé. Je crois que c'est  Yvon Millette qui a mis fin à sa très brillante carrière. (Lors d'un match de la ligue Montagnaise à Bergeronnes)


Michel Larouche à Gaston 


 Luc Gauthier  a tout à fait raison. Quel joueur spectaculaire. Petit de taille avec un coeur aussi gros que l'aréna. Je ne l'ai jamais entendu critiquer personne. Il avait toute une feinte pour coucher un gardien puis loger la rondelle dans le haut du filet. Gérard et Gérald Langelier sont certainement les deux meilleurs joueurs avec qui j'ai joué au hockey.


10 avril 1968 , Ligue Montagnaise
JOURNAL LA CÔTE-NORD


1968 ,28 fév.








En terminant ...

Ce dont Gérard Gaudreault  est le plus  fier, c'est d'avoir toujours été très naturel dans ses relations avec les autres.: " J'étais comme ça , j'ai toujours été comme ça, je parlais à tout le monde... " Il était un gentleman tant sur la glace que dans le salon chez Jean-Charles Bouchard et aussi chez Madeleine... 

***

Mon chien portait le nom de Sony - Sunny selon mes soeur qui n'ont pas échappé aux tendances du mouvement  hippie- ...Ce chien fit le bonheur de toute la famille jusqu'au jour où ma mère tomba enceinte. Elle avait 41 ans, et selon le Dr Gobeil , sa grossesse était à risque et au nombre de fois où elle devait courir jusqu'à la salle de bain en pressant sa main sur sa bouche , elle ne préparait pas un marathon. Après bien des discussions , des larmes et des cris , et malgré les promesses des enfants de prendre soin  de Sunny avec plus de rigueur et d'assiduité, il fut décidé de se débarrasser du  chien. Ma mère était exténuée. La petite Caryne que nous ne connaissions pas encore serait la septième enfant de la famille... Ce bout du scénario m'échappait: Sainte Jeannette Bertrand venez à mon aide ! 

Jeannette ne vint pas, elle ne réglait des problèmes qu'à Montréal. Ce fut Gérard Gaudreault qui vint ! Il s'annonça avec son sourire habituel, sourire auquel j'attribuai ce jour-là un petit coté doucereux. Sunny ferait du covoiturage jusqu'à Port-Cartier.


 Quand j'ai vu mon chien embarquer dans la voiture de Gaudreault, j'avais la mine basse et je suis entré dans la maison , je n'avais pas le courage de voir ma boule de poils noirs partir, quitter ma vie, se soustraire à ma présence...Pas un euphémisme n'est venu essuyer mes larmes. 

Quand ma mère est enfin entrée dans la maison, j'étais recroquevillé sur le divan du salon et je sanglotais, on venait de m'enlever mon chien qui me suivait partout, qui courait dans la maison pour m' accueillir quand j'arrivais de l'école, qui me mordillait les mains quand on jouait par terre dans le salon; ce chien qui savait attendre, couché par terre sur le prélart vert et rouge de la cuisine que je finisse mes leçons pour encore m'accompagner dehors, partirait jouer ailleurs...  Ma mère dans un geste de tendresse me serra contre elle et me dit :" Ton chien n'est pas parti n'importe où , il va chez Gérard Gaudreault."   

***

Ma blessure de petit garçon  n'a pas guéri spontanément , mais j'avais  compris que ce qui allait se passer ensuite ne regarderait  plus que Gaudreault et son coeur. Je pus à partir de cet instant, imaginer mon chien heureux.

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