Instant de vie chez les Bouchard

Instant de vie chez les Bouchard
Claude Mattheau, 2014

dimanche 25 janvier 2015

Bombe Météo et buttes à Valmore!

Morency affectionne la lumière, les  grands espaces,
 les teintes douces et harmonieuses. (PhIlippe La Ferrière, Le Progrès de Québec, 1938)

BERGERONNES, SAGUENAY, Huile sur carton, signée en bas à droite; signé et titré au verso 10 po x 14 po - 25,4 x 35,6 cm. 

Les buttes 

Une belle eau que cette rivière coule
Un beau vent que ces arbres brisent
Voilà ce pays à l’envers que mes bottes font marcher



C'était une douce soirée d’hiver, une soirée consolante des grands froids passés, une soirée où le ciel noir était criblé de points blancs, trop lourds  pour flotter et pas assez pour résister aux vents venus  d’aussi loin que le Lac-à-Raymond. Derrière chaque marcheur qui sortait de l'église Notre-Dame  de Bon-Désir, des plaques grises marquaient les pas sur le trottoir. Certaines révélaient des couples, d'autres la lenteur d'un vieillard ou bien la hardiesse d'un enfant...Un grand rectangle d’asphalte signalait qu' une voiture venait de quitter la caisse populaire située en plein milieu de la côte du crain .Et toute la nuit, la neige et  le vent feraient disparaître le village sous une épaisse couche de plaisirs. 

 Quand nous étions enfants, petits et insouciants, le lendemain d’une bordée de neige, mes sœurs et moi allions descendre les buttes à Valmore. Elles, la corde tendue du  toboggan à bout de bras, et moi assis dedans, nous grimpions les pentes qui défiaient nos âmes de héros .

Après quelques descentes ,la neige poudreuse nous collait au visage. Nos sourcils étaient blancs, nos tuques perlées d’eau et nos bottes de rubber brunes avaient le mouton glacé.

Quand les mitaines de laine tricotées par notre mère commençaient à être humides, nous pensions à rentrer. Souvent, ils nous arrivaient de faire durer le plaisir , et ce n'est pas la bibitte aux doigts qui nous le faisait regretter.

Mes trois grandes sœurs, plus enjouées et moins fatiguées que je ne l’étais, gravissaient la pente sans relâche, dans un aller-retour incessant qui leur arrachait des cris de stupeur. Un geste perpétuel qui durait tout un après-midi. Et trois heures, dans la vie d’un petit bout d’homme, c’est heureusement l’équivalent de toute l’éternité. 

Moi, plus enclin à la rêverie, je m’arrêtais au bas des pentes pour observer les glisseurs. Accroupi dans la neige, les mains appuyées de chaque coté sur mes genoux, je restais là de longues minutes à imaginer être ailleurs. J’aimais aussi goûter  la neige. C’étai si bon. Surtout ça fixait à ma mémoire cette histoire racontée par le curé Gendron au sujet des fils d’Abraham qui se nourrissaient de manne dans le désert. Autant m’en souvenir.


André Morency- 1910-2003 
Il est l'élève d'Ozias Leduc et 
l'illustrateur de L'abatis de F.A. Savard ,1943


Après mille gestuelles, mille cris , nous partions vers la maison , contentés.

Et dans ma tête, dansaient les paroles du jour : « Claire, descend pas trop vite; Rose, attention à  la rivière en bas ! Les bonhommes de neige marchent-ils la nuit ? La prochaine fois, je descends la côte sur un pied, gages-tu ?  » Tous nous étions devenus chasseurs de buttons. Dompteurs de toboggans sauvages .

Les joues rouges, emmitouflés sous nos foulards que ma mère appelait des scarf, nous franchissions enfin le seuil de la porte , fatigués d’avoir marché…d’avoir rêvé aussi!

Enfin, la chaleur de notre maison. Je m’étais ennuyé, dans l’éternité des buttes à Valmore, des gestes de tendresse de ma mère… Nous savions sans le dire que maman avait guetté tout l’après-midi à partir de la fenêtre givrée du solarium d’en arrière, les points noirs qui , presque invisibles, glissaient sur les buttes à Valmore, loin, loin de son cœur.

Elle nous aimait sans arrêt. Sans pause, continuellement, sans jamais manquer d’amour. Cet amour sans fond, était pour elle, avec l’inquiétude , une manière d’étirer le cordon ombilical.

" De la tarte, maman! Ma maman, nous a fait de la tarte. Aux framboises! " criait Lynda que mon père avait baptisée avec justesse, Gros-Ours. La nostalgie de l’été nous prenait à chaque bouchée.

Demain , mes sœurs retourneront à l’école. Et je savais bien que pour revivre cette journée magique, il me faudrait attendre une autre bordée. 


3 commentaires:

  1. Quel beau conte qui ravive mes souvenirs d'enfance. Mes frères et moi allions nous aussi nous glisser sur les butes à Valmore. C'était juste derrière chez-nous de l'autre côté de la rivière. Il nous arrivait aussi de nous glisser dans la coulée derrière la maison tous entassés dans un houde de char. Quels beaux souvenirs que ces rappels de notre enfance. Merci de me mettre la joie au coeur surtout en ce temps de Noël.













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    1. Merci de votre commentaire. Odette Maltais , fille de ?

      Salutations! Joyeux Noël !
      Robert, fils d'Ovila et Madeleine .

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  2. Moi aussi j'ai glissé dans les côtes à Valmore..Quels beaux souvenirs d'enfance..Je demeurais dans le Bassin et ces buttes étaient facilement accessibles.J'ai même fait du ski dans la côte dernière notre maison c'était mes premières expériences et souvenirs inoubliables avec les petits voisins Jean Caron ,Luc ,Hugues Tremblay,sa soeur Rhodes ..Comme nous étions heureux!

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