Instant de vie chez les Bouchard

Instant de vie chez les Bouchard
Claude Mattheau, 2014

samedi 23 décembre 2017

Café.

Terre des Sirois (Bergeronnes)                                Magasin des Tremblay (Forestville)


Si vous êtes de Forestville  ou des environs et que le surnom de Café n’évoque rien en vous , soit vous avez été en hibernation dans les 50 dernières années , soit vous êtes né  au moment où Café commençait à mourir.
  
Mon cousin Michel n’est pas vraiment mort le samedi 16 décembre. C’ est arrivé avant. Et je vous jure que je sais de quoi je parle, ma mère ayant vécu pareil chemin. On parle ici de démence fronto-temporale , pour ma mère on parlait de la maladie d’Alzheimer. La seule et grande différence , ma mère avait 86 ans, le fils de ma tante Rita , 57 ans . 

On ne meurt pas subitement  d’une démence , on meurt par petit bout. Michel est mort à sa profession: il fut un temps où cet entrepreneur pouvait abattre du travail comme deux hommes, et un autre où il ne pouvait même plus faire la différence entre un 2 x 4 et un 2 x 6 .   

Ce grand six pieds , comme le chantait  Claude Gauthier, était aussi un père aimant  . Puis, il ne le fut plus. J’irai même jusqu’à dire que si l’amour filial  ne quitte jamais le coeur où il s’est installé , il vient un jour , où la maladie prend le dessus et écrase ce que nous avons de plus précieux en nous. Ma mère, un  jour ne m’a plus reconnu , mais je savais qu’elle m’ aimait. Pour Michaëlle,  la fille de Michel ,malgré l’amour, ce silence fut lourd.  

Puis Café a cessé d’être un hockeyeur, un partenaire de golf, un frère et un associé pour sa soeur Lyne,  un joueur de tour, un sourire sur la rue de notre quotidien forestvillois... 

Au fait,  pourquoi l’appelait-on Café ? Son énergie héritée des Sirois ?  Son teint foncé hérité des Tremblay ? Quant un surnom nous colle à la peau ,on ne vient à ne plus savoir pourquoi.  Se demande-t-on pourquoi ,une rose est une rose  ? Elle embaume disaient Roméo et Shakespeare ,  et on vit avec. 

Parlant de vivre avec. Café n’était pas un saint . Je l’écrirais que vous ne me croiriez pas !  J’ai entendu plein de choses sur Café, et là, je dois prendre mon courage à deux mains pour tapoter ce bout de texte, parce qu’habituellement il est de rigueur  en ces jours de peine  de faire la lumière sur les qualités du défunt;   en vrac, ça donne: obstineux,  excessif, instable,  ...Certains aimaient son coup de scie, d’autres, non . 

 Comme je partage avec Michel, une bonne part de génétique, je sais qu’il en rirait ! J’ai été comme lui commerçant , et j’ai appris que l’unanimité n’est pas de ce monde.  L’unanimité, c’est plus courant quand on est devenu un tas de cendre ou qu’on repose six pieds sous terre... 

Voilà qui m’autorise à dire que mon cousin Michel était généreux,qu’il était vaillant,(il arrivait à six heures sur un contrat) ,qu’il bégayait (un charme !) ,  qu’il aimait sa petite ville, qu’il respectait son père Maurice  (entre deux obstinations) , qu’il  aimait sa mère Rita (que de repas en sa compagnie)  , qu’il adorait sa fille...bref , dans la balance de la vie, le poids de ses  défauts aurait probablement été en déficit par rapport à la colonne de ses qualités.   

Perdre un être cher est une violence terrible. Et encore une fois, je sais de quoi je parle, mon père,  Ovila , avait à peine 56 ans quand il est décédé. Je revois encore mon oncle Maurice, le frère et  parrain de ma mère venu à l’hôpital de Chicoutimi pour accompagner Madeleine dans son deuil.  Il m’avait dit:” Ton père est mort bien jeune.” J’avais 20 ans, et mon père,   je le trouvais plutôt vieux.  Mais aujourd’hui, à 57 ans,  je sais bien que Café, tout comme mon père, est  mort trop vite.  
     
Mort avant la fin de sa vie.    
 
Amen. 

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