Instant de vie chez les Bouchard

Instant de vie chez les Bouchard
Claude Mattheau, 2014

vendredi 17 novembre 2017

Pierre Laporte et les demi-prisons entre Bergeronnes et Forestville


Avant que d’être un pont et un ministre , avant que de perdre la vie de façon tragique pendant les événements d’octobre 70,  Pierre Laporte, avocat,  fut  journaliste et chroniqueur - 

"Pierre Laporte reste un homme mal connu. Audacieux journaliste, il s'est distingué dans sa démarche d'enquête, particulièrement dans ses éditoriaux au Devoir et ses Lettres de Québec. Il était un farouche opposant de Duplessis. Il fut un excellent journaliste."- Éd. Le Septentrion-

 Duplesssis déclarait en 1954, suite aux demandes pressantes des citoyens    pour parachever la route Tadoussac -Chicoutimi:

" On ne construit pas de route où il n'y a pas de monde..."

Suite à cette boutade, le Saguenay-Lac-Saint-Jean,le  préfet du conseil de comté, Laurent Brisson, et la Chambre de commerces du comté sont montés aux barricades et ont présenté un mémoire pour débloquer la région. De là , l'intervention de Pierre Laporte , alors journaliste vedette au Devoir et ennemi juré de Duplessis.




La politique provinciale 

Le Saguenay  en a assez de ses trois murs infranchissables .

par Pierre LAPORTE (Le Devoir )-- 13 avril 1955


La population de la Côte-Nord croit que la "deuxième partie du siècle actuel sera celle du Saguenay". Et elle se demande pourquoi "on ne prend pas les moyens de libérer les gens de l'atroce délaissement dans lequel ils se trouvent depuis tant d' années".


Le problème se résume facilement: la route Baie-Comeau Québec est bloquée par la rivière Bersimis et par le Saguenay Au premier endroit il serait possible de construire un pont. Mais sur le Saguenay, rien à faire; il est trop profond et les courants sont trop violents. I! faut s’en remettre au traversier.Lequel est à la merci de la brume, du vent.- des glaces. Pour résoudre la difficulté il n’y a qu’un moyen, passer ailleurs, construire une route vers Chicoultmi. Cette route est commencée. Il ne reste qu’un tronçon de 28 milles à construire Mais rien ne bouge. Et le Saguenay reste coincé entre la montagne, le fleuve et la rivière! 

Dans un mémoire qu’il vient de préparer sur le sujet, le Conseil du comté de Saguenay déclare que cet isolement nuit au bien-être des 45.000 citoyens du comté, et qu’il retarde le développement de la région.


Des* exemples*

  On n’en finirait plus d’écrire tout, ce qu’on raconte sur ces demi-prisons que sont Tadoussac, Forestville, les Grandes-Bergeronnes ou Sacré-Coeur. Cet hiver des gens ont eu affaire à Québec Normalement le voyage ne doit prendre que trois jours. Mais il en a fallu dix jours pour le compléter, car le traversier ayant été immobilisé par la brume, puis par les glaces qui s’étaient entassées au confluent du Saint-Laurent et  du Saguenay. Des femmes malades ont dû être transportées à Québec en avion. Dépense considérable pour une population qui n’est pas riche.

 Le transport lourd est à peu près impossible dans le comté de Saguenay. Il doit entrer via le traversier entre Baie-Ste-Catherine et Tadoussac. Mais le bateau-passeur n’est pas équipé; pour le matériel lourd, il faut démonter les pièces trop lourde*... ou renoncer tout simplement à les transporter…


Trêve de lyrisme


Depuis quelques années la population du Québec entend parler des progrès fantastiques de la côte Nord. Le premier ministre surtout nous en sert plein les oreilles. Mais les gens du Saguenay voient les choses avec plus de réalisme. Dans leur mémoire ils disent: “45900 Saguenéens (NDLR : Nord-Côtiers)  et plus tirent de leur cœur, le courage de bâtir, sur une terre séparée du reste de la province par le Saint-Laurent, le Saguenay et les Laurentides, un royaume industriel. On vante les richesses qui viendront de leur Saguenay, on parle de leurs pouvoirs électriques, de leurs mines, des belles vacances en perspective dans un endroit aussi poissonneux, tandis que sur les lieux mêmes, les groupements de citoyens parlent de la vie réelle de leur vie entre trois murs infranchissables, de leur délaissement pendant la saison d’hiver, de leur précaire situation économique.”


Pas de faveurs

Depuis plusieurs années les Saguenéens ont voyagé sur des promesses. Leur mémoire, adressé à M. Duplessis, le rappelle en termes mesurés :
 “Depuis quelques années, dit-il, la question de la route Ste-Rose-Sacré Coeur est discutée par différents organismes sociaux des régions de Chicoutimi et Saguenay. Des délégations sont allées vous rencontrer à Québec, des mémoires vous ont été soumis et depuis, des milliers de gens attendent avec désir la réponse favorable à la réalisation de ce projet de route qu’ils désirent tellement .. Pourtant ce tronçon de route qui manque (28 milles) ne doit pas leur arriver comme une chance, mais comme réponse à des besoins essentiels et pressants.” 



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