Instant de vie chez les Bouchard

Instant de vie chez les Bouchard
Claude Mattheau, 2014

dimanche 15 février 2015

Le Gala des Bergeronnais

Serge Anctil et Robert Bouchard
Les Arthur sont nés d'abord d'un vol inconscient. J'avais volé, sans le savoir, le pseudonyme de Pierre Rambaud.* Je signais dans le journal communautaire  Le Maillon des billets sur des sujets divers. Et j'y parlais de mon ami Arthur. De ce qu'il pensait, de ce qui l'animait ou  le faisait pleurer. Puis Arthur s'est mis à écrire et à penser par lui-même . En signant Arthur, je donnais la parole à des gens qui ne pouvaient pas écrire. Mes billets , si je les relisais aujourd'hui, pourraient être facilement liés à un Bergeronnais qui m'avait confié une pensée, un secret, en sachant très bien que je chargerais Arthur de parler à sa place.

La troupe des Arthur est né d'un Gala , le Gala des Bergeronnais qui avait lieu le 24 juin. Au tout début, nous remettions des Arthur pour honorer une personne dans le village . Je me souviens de beaucoup de récipiendaires, mais en particulier de madame Aurore Maltais. Elle avait gardé précieusement son document et l'avait accroché dans sa cuisine. Quand je me rendais à la salle de quille , elle m'appelait Arthur.

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Que disait ce document :
La république de la joie de vivre de Bergeronnes est heureuse d'honorer ____________ pour sa contribution à la vie communautaire du village.

Et c'était signé: Arthur.

En appelant le ou la récipiendaire , on en profitait pour faire quelques gags , pour faire deviner son identité par le public en présentant des objets  qu'on avait "volés" avec l'aide d'un complice.








Madame Aurore vient d'en raconter une bonne!

La recette fonctionnait et on avait vraiment beaucoup de plaisirs à honorer des Bergeronnais .

Madame Aurore était une femme spéciale, les jeunes de mon époque se souviendront qu'on pouvait se confier à elle et recevoir des conseils qu'on ne suivait pas toujours, mais son oreille attentive suffisait à déclencher une réflexion...Voilà pourquoi son Arthur était pleinement mérité.

Puis est née, La troupe des Arthur. Mais ça , c'est une autre histoire!

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* Lire aussi : Made by Arthur Simard
http://bergeronnais.blogspot.ca/2015/12/made-by-arthur-simard.html


Genèse 

 (Faut imaginer que je parle à Serge Anctil, à Guy Anctil, à Luc Anctil,  à Réjean Bélanger, à Joris Gravel, à Aldo Bouchard, à qui encore ... je ne sais plus. Puis  s'est greffé plein de monde sur ce mode théâtral où les personnages du  village étaient à l'honneur... )

J’ai cherché à me souvenir comment tout cela avait commencé. Je me rappelle juste que j’avais trouvé la place pour faire le spectacle avant de l’avoir écrit, avant d’avoir formé la troupe,  avant d’avoir demandé la permission aux responsables des Fêtes Nationales locales si on pouvait s’inscrire au programme… Je me disais que de toute façon, je n’accepterais pas une réponse négative, et que dans le cas d’un non, je serais encore plus motivé à le faire. On ne perd jamais quand on veut gagner.

- T’es malade Bouchard. Crisse y reste trois semaines !

Ce sacre a été enseveli sous la montagne de bruits que seul un abat peut faire dans une salle de quille. Dans un film, on aurait entendu le tonnerre ou un train.

-Deux semaines : j’écris deux sketchs  en un soir, vous en écrivez deux aussi, ça en fera 12, à la fin y faudra en jeter au moins quatre !

Suis-je convaincu ? Pas le moins du monde. Mais j’ai déjà la salle, le nom de la troupe et la troupe. On est 6 à parler, qui dit quoi à qui ?

-De quoi on parle ?

-On parle du village... dis-je.

-Du garage à Ti-rock, de l’épicerie chez Marc, du moulin à Nazaire! On peut faire ça! ?

-Comme dans Séraphin.

-Bonne idée, mais plus comme les Cyniques mettons!

- On sera jamais assez de six .

-Pour écrire : oui.  Pour jouer, vous avez des sœurs, des frères , des blondes… Je suis maintenant convaincu, j’ai vu dans l’œil des gars la même étincelle  que dans la chambre des joueurs. Je suis assez convaincu pour laisser couler le reste du plan.

-On va jouer à l’Élan, dans la grande salle, notre troupe, c’est la troupe des Arthur.

-Crisse, Méo va trouver ça drôle , son père s’appelle de même.

Ce crisse-là, lancé plus fort et sans le camouflage d’un abat ou d’une réserve,  nous vaut les remontrances de madame Aurore . Je lui ai déjà expliqué que notre génération ne sacrait pas parce que pour nous il n’y avait plus rien de sacré. Dieu est mort , je l’ai lu dans un livre ! que je lui avais dit. Disons qu’elle en avait lu un autre qui prétendait le contraire.

-Méo, y va faire un bon acteur.

Pis la conversation se perd dans l’odeur enfumée de la salle de quille. Madame Aurore , la tenancière, nous épie avec tendresse, elle se demande comme à chaque fois qu’elle nous voit en petit groupe dans la salle de pool, ce qu’on peut bien encore inventer.

-Les gars avez-vous fini ? Je vais fermer là ! Cela dit sans autorité aucune.

Elle a déjà allongé la fermeture de trente minutes pour nous laisser la chance de jaser. On part en la saluant, sans oublier de s’acheter du lunch pour le chemin. En plus, elle nous fait crédit sur son bras.

-Jusqu’à demain pas plus ! Cela dit avec beaucoup d’autorité.

Dehors, on a une idée. On va remettre des certificats. Des trophées comme aux États, des Arthur! Madame Aurore sera la première Oscarisée !

-Les gars que je dis, on a une ostie de bonne idée.

Tout d'un coup, c’est comme au hockey! Tout à coup, on se fait des passes, on partage le puck , la rondelle roule pour nous autres, on se trompe , on rit , on joue large,  on back check !

On a jasé comme ça, assied sur le cran chez Patrick  jusqu’à deux heures du matin. On a même oublié d’envier ceux qui avaient l’âge d’entrer au Madisson Square Fortinne , le bar situé juste en face du cran, de l’autre coté de la 138, de l’autre coté du miroir !  On s’était saoulés de nos idées de théâtre.

Donc à cause de René, l’été  de 1977 fut inauguré sous le thème de La mémoire en fête , slogan d’une Fête Nationale toute neuve que s’était donnée les Québécois en même temps qu’un gouvernement séparatiste. Cet été-là  allait m’ouvrir toute grande les portes du théâtre.





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