Instant de vie chez les Bouchard

Instant de vie chez les Bouchard
Claude Mattheau, 2014

dimanche 8 février 2015

GRANITE ET POÈME POUR VILMOND

J'ai toujours eu pour Vilmond Desbiens beaucoup de respect. Vilmond, c'était pour nous les petits Bergeronnais, le Camp à l'abbé.  L'abbé avec un petit a parce que Vilmond n'était pas du genre à s'élever au-dessus des autres, même qu'au contraire, il savait se pencher vers les plus petits pour les faire grandir.

Qu'est-ce que c'était le Camp à l'abbé ? C'était d'abord un duplex qui avait servi autrefois pour accueillir les familles des gardiens du Barrage de la coopérative  de la rivière Petite-Bergeronnes. Et puis quand Hydro-Québec a pris possession de toute l'affaire (11 février, 1964) , que le fonctionnement des barrages s'est automatisé , et là je résume très rapidement , Vilmond est devenu l'administrateur du site en vertu d'un bail emphytéotique. Vilmond alors abbé, a donné au site une mission : accueillir les jeunes élèves de l'Académie Bon-Désir à ce camp pour leur faire vivre une expérience de découverte. Vilmond était un prêtre  que je qualifierai de social, en ce sens où  il savait qu'un intellectuel ne peut être heureux que s'il touche à la vie, c'est à dire  au quotidien des êtres qu'il veut aider. Vilmond avait lu et étudié Alexis Carrel et sa vision de la vie en avait été à jamais teintée.

La beauté morale laisse un souvenir inoubliable à celui qui , même une fois, l'a contemplée. Elle nous touche plus que la beauté de la nature, ou celle de la science. Elle donne à celui qui la possède un pouvoir étrange, inexplicable. Elle augmente la force de l'intelligence. Elle établit la paix entre les hommes. Elles est, beaucoup plus que la science, l'art et la religion, la base de la civilisation. (L'homme cet inconnu, p.189, Livre de Poche , Paris,1935)

 
Le site du camp,  c'était aussi cette chute immense qui se jetait avec force dans une  vallée graveleuse et qui se laissait ensuite endormir pour former un lac propice à la baignade, pour finalement se jeter un peu plus loin dans les verdoyantes terres de la vallée des Petites-Bergeronnes. Entourés par des pics sablonneux et  d'un cap rocheux, le site profitait d'un micro-climat extraordinaire! Si le village voyait le vent
refroidir l'été, le camp à l'abbé était la destination à prendre pour gagner une dizaine de degrés et profiter d'une plage de galets .

Ce fut longtemps la destination préférée des amis du terrain de jeux , des 4H d' Adalbert et des élèves de l'Académie .




Puis le Camp fut un peu abandonné. Le lac Gobeil voisin, était plus facile d'accès et Vilmond se fit plus rare dans le village. Comme de nombreux prêtres , il avait quitté le sacerdoce et avait poursuivi son chemin ailleurs dans la région de Baie-Comeau. Il revint aux Bergeronnes pour diriger la polyvalente des Berges dans les années 80. C'est à cette époque que j'eus avec Vilmond , des discussions politiques et philosophiques fort intéressantes .J'étais un jeune adulte de 20 ans  et j'avais perdu mon père. Vilmond qui était aussi un ami de la famille et un cousin de mon père m'a alors  souvent aidé avec beaucoup de discrétion. Je puis dire de cet homme qu'il était étanche comme une tombe.



Claude Boulianne, Aldo Bouchard, Robert Bouchard, Guy Anctil et  un jeune campeur








C'est avec son appui que le Camp à l'abbé reprit du service . De 81 à 83, le camp à l'abbé devient officiellement un camp de vacances reconnu par les autorités provinciales. Gravitent autour du projet: Aldo Bouchard, Guy Anctil, Claude Boulianne, Line Gauthier (cuisinière accomplie qui a fait des miracles avec un budget limité !)... et beaucoup de bénévoles qui nous donnaient un coup de main comme animateurs ou animatrices d'un jour ! J'ai chaussé les bottes de Vilmond et j'ai pu vivre là, des expériences marquantes. Des moments que je n'oublierai jamais.Je me prenais pour Vilmondo Desbientos,(comme je l'appelais à la blague) le Dom Quichotte de Bergeronnes.

Puis le projet d'une usine de granit est venu mettre fin à l'idée de développer le site. Je n'entrerai pas dans les détails , mais disons que je n'ai jamais discuté de mon opposition à ce projet avec Vilmond. Il y travaillait avec tant de détermination  qu'il aurait été indécent de le troubler avec mes considérations écologistes! Je n'ai pas assisté non plus à l'inauguration officielle de l'usine présidée par Bryan Mulroney, alors Premier Ministre du Canada ...En 1989, j'ai écrit ce poème pour Vilmond.  


Photo :Pierre Rambaud




    La rivière de la vie a coulé
Sans jamais s'arrêter
    On n 'a pas vu le temps filer
Et le soleil s'est levé
     Sur un autre été

Pas loin du terrain de l'usine
Encore des cris d'enfants
Montent dans le ciel humide,
Au-dessus du grand camp!
Pour que papa n'oublie pas
Que gamin ,il jouait là
Il a amené Pierrot et Ti-Guy
Au pique-nique de la compagnie

Les enfants, on ne les voit plus,
Les outils mécaniques n'ont pas la mémoire
Des baignades éternelles
Des chants joyeux
Des ballons qui tournent
Au dessous  des étoiles
Des feux qui regardent les arbres

On ne joue plus à ces jeux-là!
Au bout du sentier de gravier
On a construit la belle usine
On ne joue plus qu'à la bourse
Pour que papa travaille
Et que la roue tourne autrement

Des tonnes de granite ont piétiné les jeux d'hier
Un bulldozer enterre les oiseaux
Et le soleil salue les dignitaires
Venus voir le Premier Ministre au ciseaux
Tailler l'avenir dans le passé

Les ballons sont crevés
On dit aux enfants de se taire
Pour écouter les dignitaires
Dans les yeux tristes d'un actionnaire
Soudain, la rivière coule à l'envers
Il aperçoit quelques enfants d'antan
Devenus des ouvriers trop grands,
On dirait qu'ils vont lui crier:
Hé! l'abbé, quand est-ce qu'on va se baigner?!

Merci pour tout l'abbé !

Robert 27 11 89

























Photos en vrac de l'album du camp 






















1 commentaire:

  1. le camp à l'abbé...j'avais peut-être 11-12 ans... un très beau souvenir!! ha

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