Instant de vie chez les Bouchard

Instant de vie chez les Bouchard
Claude Mattheau, 2014

dimanche 2 août 2020

Les Percherons de Bargeronnes peuvent réponer .



1876- 1962  

Flavine Gagnon (madame Ernest Bouchard ) fut une porteuse importante de la langue française de son temps. Ces phrases étaient parsemées  d'archaïsmes. Protégés par l'éloignement. beaucoup de citoyens du   village de Bergeronnes utilisaient couramment  des mots et des prononciations  hérités du Moyen Âge . 

Cette conteuse dont le discours fut étudié par Marius Barbeau (folkloriste et anthropologue) , Luc Lacourcière et Marcel Juneau, philologue, racontait que le curé lui conseillait de raconter des contes pour occuper les jeunes du village .  


Les enfants se faisaient la guerre (...) racontait la dame. Je leur contais des contres pour les calmir, pour les tenir tranquilles. I' en avait pas un qui venait pas m'écouter. Ils se battaient pour ceux-là qui se mettraient le plus proche de moi .M. le curé disait qu'il n'en voyait p'us un seul à faire du mal autour des bâtisses. 


Le répertoire de cette dame était très étendu et reste encore à être découvert dans les archives canadiennes.

Le répertoire de cette dame était extraordinaire. En seulement cinq rencontres, (en 1954 et 55) Luc  Lacourcière recueille 23 contes et 8 chansons ! Selon Lacourcière, la dame avait une longue expérience de conteuse dans sa famille. Issue d'une famille de pionnier, elle n'avait pas comme concurrents la télé, la radio et Internet ! Des villageois m'ont raconté avoir déjà eu la chance d'assister à une performance de cette dame. 

Il est à peu près certain que beaucoup d'entre nous  avons entendu des mots issus du passé que nul autre ne peut comprendre s'il n'est pas né dans la région.  


Marcel Juneau dans un ouvrage intitulé Un récit folklorique des Grandes Bergeronnes  a analysé le le conte : La jument qui crotte de l'argent , et sa conclusion ne fait pas de doute sur la richesse de la langue de madame Flavine.


Le folklore et les femmes 
(extrait d'un texte de Luc Lacourcière- 1962) 

LES CONTEUSES

Le temps ne me permet pas de m’attarder à quelques portraits de bonnes conteuses, non plus ‒ malgré l’envie que j’en ai ‒ à la satire de cesjeunes filles et femmes qui veulent et ne veulent pas chanter, qui hésitent, se décident et se reprennent, se laissent tourmenter et finalement après une heure d’efforts laissent s’envoler la plus fade des romances sentimentales. Je m’en tiendrai . [Ndla] Dans la marge supérieure, l’auteur a inscrit « 22 ans ». 176 RABASKA Inédit Luc Lacourcière aux conteuses qui sont beaucoup moins connues, précisément parce que plus rares, contrairement à ce qui se passe ou se passait en France à l’âge d’or de la tradition orale. On disait bien avant Rabelais et continue de dire communément, contes de ma grand-mère, contes de nourrices, contes de ma mère l’Oie, contes de bonne-femme. Toutes ces expressions ne décrivent qu’imparfaitement la situation canadienne. Elles restreignent l’auditoire des conteurs à un petit cercle familial où la grand-mère dit un conte pour endormir les enfants et à un genre de contes appropriés aux oreilles enfantines. La réalité canadienne est tout autre parce que le grand centre de diffusion des contes a été et continue d’être bien plus les milieux forestiers et marins, donc sans femmes, que les milieux paysans. C’est sans aucun doute la raison pour laquelle, dans nos enquêtes, nous avons trouvé une seule conteuse pour dix conteurs peut-être. Mais rien n’empêche cette conteuse d’être aussi bonne que les hommes, de s’adresser dans certains cas avec autant de verve qu’eux à des auditoires adultes. Chaque conteuse (ou conteur) a son tempérament, son style et sa manière. Je ne puis qu’en évoquer quelques-unes: la paisible madame Thomas Ferland, de Sainte-Marie de Beauce, qui, à 88 ans, assise dans sa chaise de malade, atténuait autant que possible les épisodes les plus cruels. « Ce qui me fait de la peine de mourir, me disait-elle, quelque temps avant sa mort, c’est que j’ai encore trois contes à vous conter. Mais je n’en serai pas capable. » Bien différente est madame André Blanchard de Maisonnette, au Nouveau-Brunswick. Les bras croisés sur son ample poitrine, elle a débité, sans un geste, les versions les plus extraordinaires de 22 contes merveilleux. Et elle n’a pas fini. Madame Ernest Bouchard, des Bergeronnes, est, elle, tout en gestes et dialogue ; elle mime tous les personnages qu’elle met en scène : princes, voleurs, princesses, chevaux, chiens, même la grand’truie du conte de Truttonne. Une fois lancée, rien ne peut l’arrêter, surtout pas son mari à qui elle impose silence sans réplique.

Lacourcière, L. & Pichette, J.-P. (2017).

 Le folklore et les femmes. Revue d'ethnologie Rabaska, no. 15,
161–180. https://doi.org/10.7202/1041124ar


Luc Lacourcière

Une belle langue 

Le linguiste Thomas Lavoie, un enseignant émérite,  que j'ai eu la  chance de côtoyer pendant quelques sessions à l'Université du Québec à Chicoutimi a été un véritable révélateur des archaïsmes qui teintaient et teintent encore,  la langue des gens de Charlevoix , du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la Haute-Côte-Nord. 

Dès les premiers cours de linguistique auxquels j'assistai,  me revinrent à l'esprit des mots comme cani, suyé, bétot, avarse, d'adon, dégacer...    En lisant les contes et les chansons récoltés dans la région de Grandes-Bergeronnes par Marius Barbeau et Luc Laourcière , je m'exerçai à prononcer ses mots selon les souvenirs que j'en avais. Mes collègues furent assez étonné.e.s de constater qu'à peine une génération me séparait de ce vocabulaire archaïque. Le docteur Lavoie, lui, avait devant lui une preuve supplémentaire qu'il fallait circonscrire la langue parlée par région et sous-région.

Bien qu'avant lui des chercheurs comme Marius Barbeau ou Luc Lacourcière aient contesté les prétentions du chanoine Groulx au sujet de l'uniformité de la langue française au Québec , Thomas Lavoie , originaire de Chicoutimi ,  a tracé  pour sa part,  avec exactitude, les contours de cette  manifestation linguistique originale.  

* Il faut lire à ce sujet: 

Les parlers français de Charlevoix, du Saguenay, du Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord ,


Lors d'une conférence étonnante donnée à Paris en 2002, Lavoie  résuma le parcours des mots que nos ancêtres avaient transportés jusqu'en Nouvelle-France , et ce depuis la province du Perche ... 

Dialangue, Bulletin de linguistique, UQAC ,v.2 avril 1991





#
1978
















Pour ne perdre personne, ne scrutons ici que les exemples donnés par le conférencier. 




Tiré d'une conférence de Thomas Lavoie, professeur de linguistique à l'Université du Québec à Chicoutimi,France,1992. 













Au sujet de réponer

Chronique Question de français, par Narcisse Dégagné, 
  28 décembre 1933 dans le Progrès du Saguenav.


1 commentaire:

  1. Et encore aujourd'hui, si vous rencontrez des personnes âgées qui sont nées dans dans ce coeur du pays( Côte-Nord, Saguenay, Lac-Saint-Jean ou bien de la rive sud du fleuve, vous entendrez parfois ces mots que restent familiers dans ma mémoire.

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