Il y a près de 75 ans, une histoire désolante allait secouer tout le village de Bergeronnes. La fille de Ludger Bouchard et Eva Desbiens, Marcelline, allait apprendre que son conjoint François Langelier, le père de ses trois enfants, était disparu en mer. C'était au printemps de 1952 , cet événement transforma à jamais la vie de Marcelline et de sa progéniture: Gérald, Paulo et Francine. Une histoire que les familles éprouvées ne pourront jamais oublier. Un devoir de mémoire à assumer collectivement, parce que les hommes disparus en mer étaient aussi des pères, des frères, des cousins, des conjoints, des amis... Imaginez, François Langelier qui part pour gagner sa vie et qui ne reviendra jamais. L'expression "perdu corps et biens " prend ici toute sa résonance.
Lors d'une conférence rapportée par le journal L'avantage la fille du chef mécanicien du bord, Francine, a rappelé à quel point sa mère, ne faisant pas confiance au bateau, avait demandé à son mari d’exiger un salaire plus élevé. Elle a évoqué aussi ses souvenirs douloureux de l’annonce du naufrage à la radio.
François Langelier , originaire de Saint-Pascal, un mécanicien de la marine. (Photo Famille Bouchard) |
Marcelline Bouchard , "Ma mère drivait comme un comme un homme " - Francine Langelier photo: Site Paul Langelier |
Cette tragédie maritime a été l'objet de nombreux textes, d'un documentaire et d'un hommage posthume rendu aux disparus.
Un monuments érigé pour commémorer ce naufrage à Pointe-au-Père. |
L'histoire de ce navire
Vendu avant le début de la Deuxième Guerre mondiale, le navire est réquisitionné et renommé B.D. no. 3 par les autorités canadiennes pendant le conflit. Il devient ensuite un navire d’appoint lors de convois de navires marchands. Une fois la guerre terminée, le bateau est réparé, rebaptisé Roseleaf et affecté au transport de régimes de bananes dans le golfe du Mexique. Il demeure inactif entre les années 1947 et 1951.
La Presse , 29 mai 1952, page 45 |
À la suite de la perte de leur goélette "Gaspésienne", les frères Bernier, Charles-Noël, Georges-Enoch et Réal, font l’acquisition du Roseleaf à l’automne 1951. Après plusieurs modifications, le navire de 172 pieds de long est rebaptisé B.F. (Bernier et frères). Maintenant muni de moteurs diesels, ce navire peut transporter 500 cordes de bois.
Dans la nuit du 13 au 14 mai 1952, il disparaît un peu à l’ouest du village de Baie-des-Sables alors qu’il se rend à Trois-Rivières avec un chargement de bois de pulpe. Les trois frères Bernier, François Langelier et six autres personnes perdent la vie dans ce mystérieux naufrage.
L'épave retrouvée
Le Bernier et Frères. BF- Source : Collection de Donald Tremblay
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L’épave du B.F. a été localisée par le Service hydrographique du Canada en 2006. Le spécialiste du monde maritime, Donald Tremblay, l’hydrographe de Pêches et Océans, Richard Sanfaçon, et l’historien Louis Blanchette ont collaboré à l’identification de l’épave.
(source :Louis Blanchette)
Des questions en suspens
Pour en savoir plus : Disparus en mer, Louis Blanchette, 2014. |
Selon l'auteur et historien Louis Blanchette, il y a dans ce naufrage des faits qui sont inquiétants: " Lorsque les frères Bernier en font l'acquisition, le navire a déjà 36 ans et repose dans un cimetière maritime. « Peut-être, commente Louis Blanchette, que les rénovations n'ont pas été adéquates. Ça prendrait une enquête approfondie que je n'ai pu faire parce qu'il manque beaucoup d'information sur cet aspect technique, mais c'est un navire âgé qui n'avait pas été construit pour transporter des charges aussi fortes. "
Ce volume est disponible à votre bibliothèque municipale.
Titre Disparus en mer : le silence entourant le naufrage du B.F., le navire des frères, Bernier dans le Saint-Laurent Auteur Blanchette, Louis, 1948- Cote 910.916344 B641d ÉditionDate de pub.2014
Une reconstitution de ce naufrage
Un poème
Une réplique du BF présentée à Baie-des-Sables |
Pour Francine .
Un œil à la mer
Demain, sur le coup de midi, à l'heure où la plage est chaude
Je marcherai sur le sable avec l'oeil sur le fleuve.
Car je sais que vous êtes là
Perdus corps et bien, hommes et navires.
Je marcherai les yeux fixés sur vos visages oubliés
Sans rien sentir du soleil qui divague,
Sans entendre l’eau en dents de sciotte,
Solitaire, sans nom, les os voûtés, les yeux fermés,
Je serai votre corps jamais retrouvé.
Je marcherai à nouveau
Sans voir le fleuve ni les bâtiments au loin, descendant
Et quand aura refroidi la plage, le soleil se couchant
Je jetterai un œil sur l’eau devenue noire
Comme on dépose une fleur sur une tombe.
Robert, 14 mai 2017
Une bd sur ce naufrage
par Yves Martel et Dante Ginevra
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