Instant de vie chez les Bouchard

Instant de vie chez les Bouchard
Claude Mattheau, 2014

samedi 23 janvier 2016

Rosa a déjà eu 20 ans, comme toi , ma fille .


Ma fille, quand ta mère et moi te disons que le temps passé à étudier est le plus beau de ta vie , tu penses que nous sommes un peu fou. Nous sommes seulement vieux. Expérimentés,  si tu préfères.


 Je vais te raconter l'histoire de Rosa Rioux . C'est ton arrière grand-mère. Une femme forte, vaillante et instruite.

Elle est née en 1892 , le 13 mai, ce qui correspond au début des semailles à Trois-Pistoles. Son père Joseph est un cultivateur, les terres là-bas du coté Sû , comme disait les vieux sont plus propices à la culture , les villages sont mieux organisés et les institutions scolaires sont aussi beaucoup plus développés et accessibles.Pour faire une comparaison , la terre de ton grand-père Rosario fut défriché par Odina lessard , Rosario en était le deuxième occupant .En 1922 Bergeronnes existe depuis 78 ans !  Trois-Pistoles est ouvert à l'agriculture depuis 1696. En 1844 une trentaine de personnes habitent les Bergeronnes , Trois-Pistoles comptent déjà 2,525 habitants.
BANQ 



Déclaration de Nicolas Riou (Rioux), propriétaire de la moitié du fief de la Rivière-des-Trois-Pistoles et du neuvième de l'autre moitié dudit fief, quant à une lieue de terre de front sur deux lieues de profondeur en la censive du Domaine du Roi, lequel emplacement étant situé au bord du fleuve Saint-Laurent du côté du sud et ledit front tenant du côté du nord-est aux terres non concédées du Domaine de Sa Majesté et du côté du sud-ouest audit fief de la Rivière-des-Trois-Pistoles

La colonisation de la seigneurie de Trois-Pistoles a débuté en 1696 quand messire de Vitré cède le territoire à Jean Riou, époux de Catherine Leblond, en échange de terres à l'Île d'Orléans, près de Québec.
Riou, second seigneur du lieu, fut l'une des premières personnes à s'y établir. Avec Catherine, il eut huit enfants. 

La valeur la plus importante des Rioux est l'honneur. Juste ça ! Être honorable. Un idéal que tes ancêtres ont très souvent atteint.  L'honneur,  c'est  le sentiment du devoir  accompli .
À à 23 ans , armé de son diplôme supérieur de l'École Normale de Rimouski , Rosa traverse sur la rive nord  du Fleuve pour enseigner. Elle le  fera quelques années près du  village des Escoumins.À chaque été , elle retournera chez sa mère Clarina (Morin) . Puis un jour, elle rencontre Rosario Sirois, fils de Napoléon Sirois dit Cléo , c'est le grand amour. Ils vivront aux Escoumins dix années , le temps de  donner naissance  à Maurice, Paul, Marthe, Véronique, Rosaire et Yolande .Les six premiers enfants d'une famille qui à son terme en verra onze. Onze qui courront, joueront travailleront sur la terre,  et qui  à leur tour feront des enfants ...

La maison au-dessus du point blanc est celle où habiteront Rosa et Rosario pendant un temps.
-Les Escoumins vers 1920-






La première maison de Rosario est située juste en face du fleuve aux Escoumins (l'ancienne pharmacie Essaim) , ce qui pour Rosa est une bénédiction. Le Grand Fleuve  a toujours été sous ses yeux depuis qu'elle est petite et de se voir si loin des siens la torture un peu. Le fleuve est son Internet, les bateaux font la navette entre son village natal et Les Escoumins au moins trois fois par semaine l'été.  C'est comme un cordon ombilical qui la soutiendra...et qui l'aidera à  s'adapter à son nouveau milieu. Le transport du bois vers  Trois-Pistoles s'explique par la présence du chemin de fer qui rejoint les villes du sud du Québec

Son mariage en 1917  sera une rupture avec sa profession d'enseignante. À cette époque , une  femme devait faire un choix entre sa profession et le mariage. Toutefois, une certaine pénurie de diplômées lui ouvrira les portes de l'école no 2 de Bergeronnes .

 Il faut comprendre qu'à cette époque ,il y a deux façons de devenir enseignantes; la plus facile  être reconnue par  Bureau central des examinateurs catholiques. Les institutrices privilégient en grande partie les brevets de ce bureau au moins jusqu'en 1939, date de son abolition, les obligeant toutes à passer par les écoles normales. La deuxième façon est plus compliquée: fréquenter pendant deux ans l'École Normale . Pour les examens du bureau, les candidats étudient par eux-mêmes les sujets au programme et se présentent aux examens. Néanmoins, il demeure 78 que ces brevets accordés ne peuvent que reconnaître aux récipiendaires une connaissance minimum des matières apprises à l'école primaire et ne sont, en aucune façon, une attestation d'aptitude à enseigner. La qualité des diplômes de l'école normale réside surtout dans le fait que les étudiantes reçoivent non seulement une formation se rapportant aux matières à enseigner, mais aussi des cours de pédagogie et des stages d'application . Cependant, plusieurs raisons contribuent à expliquer la résistance des jeunes filles à la poursuite d'études plus approfondies. L' accessibilité à l'école normale présuppose une scolarité de base terminée, c'est-à-dire d'avoir soit la 6e, la 7e, la 8e ou la 9e année. A l ' école il est parfois difficile de compléter ce cycle. complété de rang, Aussi, des jeunes filles étudient seules, aidées de leur maîtresse , et n'ont d'autres choix que de tenter leur chance aux examens du Bureau central. D' un autre côté , la question des finances familiales joue un rôle déterminant . L'école normale représente non seulement des frais pour les parents mais aussi un manque à gagner. De plus, les écoles normales sont situées dans les villes et les centres régionaux, et il arrive que les parents refusent que leur fille s 'éloigne de la maison.







C'est en  1927 que Rosario abandonne les chantiers (il était jobber) et décide d'acheter une terre dans le rang Saint-Joseph. Ce sera pour Rosa Rioux une période difficile. Madeleine, ma mère, ta grand-mère , en parle dans ses petits carnets aux feuilles toute jaunies par le temps. Madeleine savait-elle en les écrivant qu'elle laissait derrière elle un trésor plus grand que le geste d'écrire...
 



Signature de Rosario Sisois en 1918 

"Ma mère (Rosa Rioux)aimait l'eau et elle trouvait que  la concession était loin du village (Bergeronnes)  et quand elle s'est installée sur la terre ,elle regrettait beaucoup Les Escoumins , elle se trouvait loin de Trois-Pistoles. Elle avait du travail en masse et elle était vaillante, comme ça , elle s'ennuyait moins."





La vie était beaucoup plus tranquille dans le Rang Saint-Joseph qu'aux Escoumins qui était à cette époque un village industriel. Les goélettes, le moulin, le flottage du bois et le fait d'habiter en face du fleuve, au centre du village, était une situation qui n'avait rien à voir avec le calme pastoral de la terre.



Scierie  vers 1900, Les Escoumins
 "Ma mère travaillait fort. Elle se levait à cinq heures du matin tous les jours. Elle s'occupait de l'étable et ensuite elle préparait les repas. Elle filait la laine. Tricotait des vêtements pour garder toute la famille au chaud. Ma mère avait le coeur plus gros que ses forces. C'était une personne qui pensait aux lendemains. On ne manquait jamais de rien. Pour l'école, elle nous a toujours encouragé, c'était important pour elle. Notre maison était très propre. Ma mère chantait en travaillant, sa préférée c'était : "Qu'il pleuve, qu'il grêle qu'il tonne j'aime , j'aime toujours mon bonhomme! " Même si elle était très sévère , elle aimait nous faire rire avec ses chansons rimées."

Tu vois ma fille , les siècles passent mais certains traits de caractère ne s'effacent pas. Le bagage génétique est un troublant sac à surprises ! L'héritage culturel est aussi parfois surprenant ! Rosa en traversant le fleuve, n'aurait jamais au grand jamais cru qu'elle mettrait au monde ton histoire et  la mienne et qu'elle te léguerait le goût d'être honorable. Juste ça !

Ton père qui t'aime ,
RB




Enfants de  Rosario Sirois (1890-1968) et Rosa Rioux (1892-1970):  

Maurice (1918-2009) (Rita Tremblay (1926-2020), Paul (1920-1941), Marthe (1921-2006) (Augustin Bergeron, 1912-1981), Véronique (1922-2013) (Rodolphe Harvey, 1920-2004), Rosaire (1923-1996) (Irène Vallée, 1928-2018),  Yolande  (1925-2017) Vincent Tremblay (1925-2019) Gérard (1927-1963) (Cécile Lapointe, 1931-1988), Madeleine (1929-2015) (Ovila Bouchard, 1926-1981), Anthime (1931-2010) (Gaby Tremblay, 1938-2006) Guy (1933-2019) (Rose-Aline Savard, 1933-2017) et Victoire (Paul Glazer, 1930-2006)


Signature de Rosa Rioux en 1918 (26 ans) 

2 commentaires:

  1. Merci je suis une fille de Guy et rose-Aline sirois et je ne connaissais pas cette belle histoire de mes grand parents merci cela fait très chaud au cœur.

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  2. Je réponds souvent en retard . J'aurai bientôt d'autres détails sur mon Blog au sujet de la famille Sirois. Je publie régulièrement entre deux activités. La vie à Bergeronnes est lente mais fourmille d' activités

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