Instant de vie chez les Bouchard

Instant de vie chez les Bouchard
Claude Mattheau, 2014

dimanche 19 février 2023

Deux minutes pour Antonin.

 

Je prends deux minutes pour Antonin .

Si au lendemain de la célébration qui fut un ultime adieu à cet homme , je prends le clavier, c’est que j’estimais tout à fait dangereux de le faire avant.

J’ai appuyé fortement sur la gâchette qui fait se relâcher le penne de l’immense porte grise de l’église. Je me suis alors souvenu du dépanneur L’Heureux, j’ouvre la porte et  Antonin est debout derrière le comptoir qui m’accueille .

J’entre donc à l’église et il y a Hélène Gagnon qui me souhaite la bienvenue. René Lessard et Johanne Labrie me font sourire . Elles sont les vendeurs du temple, dis-je pour les taquiner.  

Au dépanneur , c’est pareil. Antonin sourit. Il se demande bien dans quoi je vais bien encore l’embarquer.  Déjà que je lui vole son commis d’occasion, Stéfane Guignard,  pour tirer les rideaux des spectacles locaux, il pourrait bien afficher une mine dubitative…Mais non, il se prête à mon jeu et embarque dans notre carnaval. D'ailleurs, Antonin  aura vite fait de devenir un maudit Bergeronnais, on le verra partout : à l'aréna, au terrain de balle, au quai... Le village s'est fait à son pied. 

Je remonte l’allée centrale , et je vois Adrien l’Heureux, en lui parlant, il me semble évident que l’ affabilité est un trait familial marqué chez les fils de Jérôme, patriarche qui longtemps fit commerce à Rivière-Bersimis, du côté du Banc-des-Blancs. Quelques phrases échangées avec Hélène et Noémie, des sympathies d’usage, probablement le discours qui sied le plus mal à ma face de clown. Me revoilà descendant l’allée et ma tête redescend le temps.

Pendant tout un printemps et un été, Chantal, ma conjointe, sera accueillie par Hélène, je verrai les balbutiements du futur père de famille. Attentionné, tout en  nuance devant les aléas de la vie.

En remontant la côte de l’église, j'attaque la côte du détour su’ Edouard, je revois Antonin dans ses rôles divers:  boucher, commis, gérant, préposé dans une pourvoirie, concierge... Alouette ! Je revois comment cet homme se refait sans cesse, toujours au service des autres, toujours à adoucir le quotidien , toujours à accepter les déviances commerciales,  lesquelles, il faut bien le dire, existent chez chaque consommateur, et qu’il faut bien finir par canaliser en un sourire !

Je suis de retour à la maison et je fais jouer en boucle la chanson de Charlebois  Ne pleure pas si tu m’aimes, paroles inspirées du philosophe Saint-Augustin lui-même. Le refrain ne m’empêche pas de pleurer.  

Les cloches sonnent. Chantal viendra me prendre pour aller rejoindre la famille à la salle de l’Âge d’or. Pendant quelques heures, Serge Anctil, Renaud Dufour, Dominique Simard et moi allons refaire et défaire  l’histoire de ce village. 


Il y a longtemps que Gabrielle et Noémie
ont appris le sens du partage
  Sur Antonin peu de  mots. Le   témoignage présenté par Isabelle     Bourgeois Ross aura fait le tour. Il faut   faire confiance, Anthony, Jérémie et   Noémie porteront la suite.

 






Mais je crois surtout qu’en présence de   tous ces gens qui ont connu Antonin,   les paroles de Saint-Augustin, devenues  un poème Charleboisien, auront eu leur effet.

« La mort n’est rien. Tu vois, tout est bien. 

Tu retrouveras mon cœur. 

Essuie tes larmes.

 Et ne pleure pas si tu m’aimes. 

Je suis seulement passé de l’autre côté.

 Pense à moi. 

Souris, prie pour moi et continue à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.

 Ne pleure pas si tu m’aimes et donne-moi le nom que tu m’as toujours donné.

 Je suis moi et tu es toi. 

Ce qu’on a été l’un pour l’autre, nous le sommes toujours,

 Toujours. »   

Et Antonin aurait ajouté sur le ton de l’homme qui en a vu d'autres:  

Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse...  



1 commentaire:

  1. Tellement un bel hommage .Je le connaissais très peu , et avec ce texte ca m'aide à le connaître davantage. MERCI!



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