Je prends deux minutes pour Antonin .
Si au
lendemain de la célébration qui fut un ultime adieu à cet homme , je prends le
clavier, c’est que j’estimais tout à fait dangereux de le faire avant.
J’ai appuyé
fortement sur la gâchette qui fait se relâcher le penne de l’immense porte
grise de l’église. Je me suis alors souvenu du dépanneur L’Heureux, j’ouvre la
porte et Antonin est debout derrière le
comptoir qui m’accueille .
J’entre donc
à l’église et il y a Hélène Gagnon qui me souhaite la bienvenue. René Lessard
et Johanne Labrie me font sourire . Elles sont les vendeurs du temple, dis-je
pour les taquiner.
Au dépanneur
, c’est pareil. Antonin sourit. Il se demande bien dans quoi je vais bien
encore l’embarquer. Déjà que je lui vole
son commis d’occasion, Stéfane Guignard, pour tirer les rideaux des spectacles locaux,
il pourrait bien afficher une mine dubitative…Mais non, il se prête à mon jeu
et embarque dans notre carnaval. D'ailleurs, Antonin aura vite fait de devenir un maudit Bergeronnais, on le verra partout : à l'aréna, au terrain de balle, au quai... Le village s'est fait à son pied.
Pendant tout un printemps et un été, Chantal, ma conjointe, sera accueillie par Hélène, je verrai les balbutiements du futur père de famille. Attentionné, tout en nuance devant les aléas de la vie.
En remontant la côte de l’église, j'attaque la côte du détour su’ Edouard, je revois Antonin dans ses rôles divers: boucher, commis, gérant, préposé dans une pourvoirie, concierge... Alouette ! Je revois comment cet homme se refait sans cesse, toujours au service des autres, toujours à adoucir le quotidien , toujours à accepter les déviances commerciales, lesquelles, il faut bien le dire, existent chez chaque consommateur, et qu’il faut bien finir par canaliser en un sourire !
Je suis de retour à la maison et je fais jouer en boucle la chanson de Charlebois Ne pleure pas si tu m’aimes, paroles inspirées du philosophe Saint-Augustin lui-même. Le refrain ne m’empêche pas de pleurer.
Les cloches sonnent. Chantal viendra me prendre pour aller rejoindre la famille à la salle de l’Âge d’or. Pendant quelques heures, Serge Anctil, Renaud Dufour, Dominique Simard et moi allons refaire et défaire l’histoire de ce village.
Il y a longtemps que Gabrielle et Noémie ont appris le sens du partage |
Mais je crois surtout qu’en présence de tous ces gens qui ont connu Antonin, les paroles de Saint-Augustin, devenues un poème Charleboisien, auront eu leur effet.
« La mort n’est rien. Tu vois, tout est bien.
Tu retrouveras mon cœur.
Essuie tes larmes.
Je suis seulement passé de l’autre côté.
Souris, prie pour moi et continue à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.
Ce qu’on a été l’un pour l’autre, nous le sommes toujours,
Et Antonin aurait ajouté sur le ton de l’homme qui en a vu d'autres:
Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse...
Tellement un bel hommage .Je le connaissais très peu , et avec ce texte ca m'aide à le connaître davantage. MERCI!
RépondreSupprimer