PRATIQUES SÉDITIEUSES
L'assemblée patriote qui se tient devant l'église Saint-Étienne-de-La-Malbaie le dimanche 25 juin 1837 s'ouvre après la messe sous la présidence de Louis Tremblay, le propre frère d'Alexis Tremblay dit Picoté. Les 14 résolutions expriment tout autant la détresse matérielle que l'indignation des habitants envers le joug britannique. Outre l'opposition aux résolutions Russell, l'assemblée appelle au boycott des produits britanniques et donne un appui inconditionnel à Louis-Joseph Papineau, ainsi qu'aux députés britanniques ayant défendu la cause canadienne.
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Président : Louis Tremblay, frère de d’Alexis Tremblay dit Picoté
Vice-président : Thomas Simard, marchand de bois de La Malbaie et bras droit d’Alexis Tremblay dit Picoté
Secrétaire : Charles-Herménégilde Gauvreau, notaire de La Malbaie
Le président, Louis Tremblay, fait un discours puis l’assemblée débute. Les résolutions adoptées lors de cette activité sont parues dans le journal Le libéral du 31 octobre et du 10 novembre 1837.
Personnes qui ont participé à cette assemblée :
Joseph Audet dit Lapointe*, Ansiarque Bhérer, Pierre Bilodeau, Dominique Bouchard, Jean Bouchard, Louis Bouchard, François Boulianne*, Félix Brassard, Joseph Brassard, Docteur Claveau, Timothée Dufour (père), Augustin Gagnon, Jacob Gagnon, Magloire Gagnon, Vital Gaudreault, C.H. Gauvreau (notaire), Antoine Guay, Pierre Harvey (fils), André Harvey*, Ignace Murray*, Jean-Baptiste Pépin dit Lachance, Bazile Savard, Thomas Simard (marchand de bois)*, Édouard Tremblay (notaire), Louis Tremblay* et Louis Villeneuve*.
Par M. Christian Harvey
Texte paru dans le numéro 53-54 de la Revue d’histoire de Charlevoix(Octobre 2006) : 6-8. Reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur
On parle de la fondation de Bergeronnes en s’attachant à l’année 1844. Le centenaire de l’endroit fut l’objet d’une fête en 1944 : un anniversaire mémorable dont Jean Paul Gagnon (Progrès du Saguenay, 29 juin, 1994) fera un compte-rendu qui restera fidèle aux valeurs dominantes de l’époque. Ainsi la famille, la foi, la fidélité à la langue française sont dans la représentation qu’on se fait du passé, les pierres angulaires qui président à la naissance de traditions authentiques. Une vision que le chanoine Lionel Groulx aura certes alimentée. Comme le précisera plus tard l’historien et essayiste Michel Brunet, la pensée historique se résume alors à trois mots : messianisme, agriculturisme, anti-étatisme. Va pour les deux premiers termes, mais l’anti-étatisme ?
Il faut comprendre ici, qu’avant l’Acte d’union de 1840, le Régime Britannique a fait des Canadiens français de simples figurants, le but caché de ce régime était d’assimiler les francophones. En réponse à cette démocratie de façade, il y aura en 1837 des troubles politiques qui ébranleront la colonie. Louis-Joseph Papineau réclame un gouvernement responsable. Cette rébellion se termine dans le sang : les responsables sont soit exilés, soit exécutés.
DES CONDITIONS HUMILIANTES
C’est donc en réaction à ce nationalisme que Lord Durham est chargé par la Couronne britannique de déterminer les causes des rébellions et de formuler des recommandations dans un rapport. Au final, elles sont au nombre de trois:
•La réunion des deux provinces du Canada en une seule (plus facile à gérer)
•L'assimilation politique des Canadiens-français (s’assurer qu'ils ne puissent jamais dominer aucune institution politique)
•L'octroi du gouvernement responsable (Durham considère qu'il est inévitable, à terme, de concéder à la colonie son autonomie politique).
Les autorités britanniques adoptent les deux premières mais refusent catégoriquement de céder sur le gouvernement responsable, puisque cela reviendrait à perdre leur droit de regard sur leur colonie nord-américaine.
C'est dans cette optique qu'il faut comprendre la place de l’anti-étatisme dans le discours historique de cette époque.
« Éliminés de la politique, éliminés du commerce et de l’industrie, les Canadiens se replièrent sur le sol. S’ils finissent par se vanter d’être des « enfants du sol », c’est que la défaite les a altérés non seulement dans leur civilisation matérielle, mais aussi dans leurs conceptions. Ils avaient des ambitions plus hautes lorsque leur vie collective était normale. » Guy Frégault, La société canadienne sous le régime francais Canada, brochure historique no 3, 1954 [réimprimé dans sa version originale en 1984], p. 15.
LA REVANCHE DES PIONNIERS
L’entreprise des Vingt-et-un qui donne naissance aux Bergeronnes s’inscrit donc dans un esprit d’émancipation, largement tributaire des besoins matériels de la société charlevoisienne. On peut voir dans la colonisation des Bergeronnes, non seulement un déplacement des populations, mais aussi le résultat d’une lutte politique contre les principes de l’Empire britannique qui préférait voir ce territoire sous la férule de concessionnaires qu’entre les mains des Canadiens français. Même Tadoussac qui fut sous le Régime français un important poste de traite ne fut pas l’objet d’une colonisation organisée. Il aura donc fallu bien des souffrances et une pauvreté endémique pour que l’élite charlevoisienne, dont Thomas Simard faisait partie, s’organise pour pénétrer le territoire .
Le Domaine du Roi est affermé à des compagnies de Tadoussac au Cap Cormoran (2 lieues à l'est de Sept-IIes) ROBITAILLE, Benoît, Lés limites de la terre ferme de Mingan, Bulletin des Recherches Historiques, n° 689, vol. 61, n° 1, 1955.
C’est au cours de la campagne électorale de 1836 que Thomas Simard et Alexis Picoté Tremblay, agent de William Price encourage la candidature du candidat du Parti Patriote, Charles Drolet. Ce dernier est favorable aux idées défendues par Thomas Simard concernant la colonisation du Saguenay et se fera, une fois élu le porte parole des signataires d’une requête et d’un plan de colonisation. Le plan est rejeté et Thomas Simard qui espérait voir une volonté politique favorable à la colonisation du Saguenay venir transformer ses rêves en réalité, reste sur sa faim.
LE MONOPOLE ÉBRANLÉ
Ce sont des circonstances politiques qui viendront relancer son rêve d’expansion. Au cours de la session de 1834, les chefs réformistes, -dont le principal était Louis-Joseph Papineau, chef du Parti Patriote, - sont décidés à faire avancer les choses ; Papineau fait un discours lors du débat parlementaire suite à la présentation des Quatre-vingt-douze résolutions faites par lui-même, Elzéar Bédard et Augustin-Norbert Morin, à la Chambre. Ce discours politique veut convaincre les gens de la Chambre d’envoyer ce manifeste au Roi du Royaume-Uni pour ainsi voir des changements dans la façon de diriger la colonie par le régime britannique. La tension est très forte au Bas-Canada et « le discours économique du Parti patriote se veut résolument très critique à l’égard des monopoles comme celui du Domaine du Roi sur le territoire de la région du Saguenay empêchant du coup la colonisation par des Canadiens. » C’est ainsi que le monopole de la Compagnie de la Baie-d’Hudson sera ébranlé par une décision hautement politique qui permettra le commerce du bois au Saguenay. La colonisation y sera cependant interdite. Le mouvement patriote et la région de Charlevoix , Christian Harvey . Revue d’histoire de Charlevoix, 53-54 (Octobre 2006)
Thomas Simard se montre satisfait de cette décision. L’esprit commercial de cette affaire prend le dessus sur la volonté de coloniser le Saguenay. La vison du monde de Thomas Simard est un mélange de rêverie et de pragmatisme. L’homme voit grand, mais il sait aussi devant certains espoirs déçus, réviser la situation et en tirer le meilleur parti. La forêt du Saguenay est alors jugée comme étant inépuisable.
DE VIVRE À EXISTER...
Quand, malgré l’interdiction de tenir des réunions publiques, se tiendra une assemblée patriote sur le parvis de l’église de La Malbaie, Thomas Simard et d’autres marchand de bois y seront. En ce 25 juin 1837 , cette désobéissance civile sera l’occasion pour Price d’identifier ses futurs lieutenants. Des gens capables de tenir tête au gouvernement pour forcer l'entrée des compagnies forestières dans le Domaine du Roi! Le 23 septembre 1837, la Société des 21 est formée.
Le mouvement patriote et la région de Charlevoix , Christian Harvey . Revue d’histoire de Charlevoix, 53-54 (Octobre 2006)
Bergeronnes est dans les plans... non pas à titre d'établissement mais bien comme territoire à exploiter, car les bourgeois de l'époque profitent de la contestation politique instaurée par les Patriotes pour s'associer aux intérêts économiques dominants. Ce n'est qu'à partir du moment où les entreprises de William Price seront disparus du paysage que les villages côtiers pourront enfin vivre une véritable colonisation basée sur l'agriculture.
Robert Bouchard à Ovila à Jean-Charles à Barnabé à Julien à Antoine ...
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