Le Saturnia |
L'escale newyorkaise n'est en fait qu'un départ pour un voyage ad limina à Rome . Ce voyage a lieu 7 ans après la fameuse Lettre sur la forêt rédigée par Mgr Labrie . Baie-Comeau est alors une ville fermée, appartenant à la Quebec North Shore (QNS) et à son propriétaire, le colonel Robert McCormick, venu y installer une usine de papier en 1937 pour nourrir les pages du journal Chicago Tribune, et y établir un village où vivraient les travailleurs qu’il emploie.
*ad limina: Désigne la visite que chaque évêque fait périodiquement au Saint-Siège. La visite ad limina est d’abord un pèlerinage sur les tombeaux des apôtres saint Pierre et saint Paul. Elle permet également de renforcer les liens avec le Saint-Siège . Au cours de la visite ad limina, les évêques rencontrent le Pape et les responsables des dicastères et congrégations.
Mais cette visite à Rome aura un caractère assez spécial, si le curé Donat Gendron a le don d'irriter le prélat par ses projets ambitieux et son effervescence, Mgr Labrie de son coté , dérange souvent les plans du gouvernement Duplessis. Cette visite en Italie sera l'occasion pour le religieux de s'occuper de choses profanes telle la politique, ce qu'il reprochait justement aux prêtres du diocèse !
Il est question en 1954 d'implanter une industrie sidérurgique au Québec, L'évêque voyant sortir des tonnes de fer de la région par navire voudrait bien influencer Duplessis dans sa décision. Pareil au curé Gendron qui n'attendait pas toujours d'avoir l'aval des ministères pour agir, Mgr Labrie prend les devants sans consulter les gouvernants. Dès 1949 Mgr Labrie s'intéresse à la sidérurgie ,il n'est pas question pour lui que les fours pour transformer le fer ne soient implantés ailleurs qu'en la région de la Côte-Nord.

1949
LETTRE SUR LA FORÊT
Déjà dans un premier opuscule, le prêtre se prononce contre les villes dites " fermées" .
« On a créé chez nous de petites autocraties rigides. » L’industrie a cherché des serviteurs heureux, à qui rien ne manquerait mais qui resteraient serviteurs, totalement à la disposition et à la merci de leurs maîtres. »
Lisons ce qu'en dit la journaliste Monique Durand (Le Devoir, 23 juillet 2022)
Cette lettre pastorale déplore les conditions dans lesquelles travaillent les hommes. « On a traité l’ouvrier forestier comme une machine. » Et critique sans détour l’exploitation effrénée et chaotique, au nom du profit des compagnies, de la forêt nord-côtière. « Nous l’avons fait reculer comme une ennemie », maugrée-t-il, exhortant le Québec à prendre modèle sur la gestion du couvert forestier en Scandinavie. Sans un souci de régénération, met-il en garde, la forêt sera pelée, tondue, rasée. « La hache qui vibre sur les noeuds prend des résonances de tocsin », lâche l’évêque. Nous sommes en 1948 ! Avant L’erreur boréale de Richard Desjardins. Avant même que les mots « écologie » et « développement durable » ne soient popularisés. (...)
Je le vois en songe lui aussi, pas un pape, mais un évêque, Mgr Napoléon-Alexandre Labrie. Sa Lettre sur la forêt de 1948, peu connue, est restée dans les annales de l’histoire du Québec comme le manifeste d’un être visionnaire, épître coup-de-poing qui dérangeait les instances politiques (Maurice Duplessis était alors premier ministre du Québec), économiques et religieuses de l’époque, pour ne pas dire qui leur volait dans les plumes. Un écrit qui résonne encore fortement aujourd’hui.
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Le texte de 1949 sur l'industrie sidérurgique (1949) le mènera donc lors de son voyage en Italie en 1954 à rencontrer des industriels italiens dans le but d'introduire des fours de technologie européenne sur la Côte-Nord....on connait la suite, ce fut peine perdue.